CONTROLE DE GESTION DANS LES BANQUES

ET DANS LA GRANDE DISTRIBUTION:

QUELLE COHERENCE, QUELLE PERFORMANCE?

 

 

Dominique BESSIRE

Résumé

_______________________________________________________

Les systèmes de contrôle de gestion dans la banque et dans la distribution témoignent chacun d'une forte cohérence dont le fondement relève plus des représentations -sous-tendue chacune par une logique d'entreprise spécifique- que des faits -les caractéristiques des produits et des processus-. Pour autant, ces systèmes ne semblent pas avoir la même performance; une transposition d'un secteur à l'autre des méthodes et des outils paraît dès lors tentante. Ce serait cependant succomber à l'illusion instrumentaliste si cette démarche s'opérait sans un changement de logique d'entreprise.

 

MOTS CLES. - CONTROLE DE GESTION, BANQUE, DISTRIBUTION, STRATEGIE.

 

Abstract: Bank management control: which coherence, which performance?

_______________________________________________________

 

Management control systems in bank and in retail industry have a strong coherence. Representations -that depend on different conceptions of the firm- more than facts -characteristics of the products and the processes- account for this coherence. Nevertheless, these systems are not equally sucessfull; therefore, the temptation exists to try a transposition of the most efficient management tools and methods from one industry to the other. Such an attempt, however, would be nothing for it but to yield to an instrumentalist illusion if it was led whithout changing the vision of the firm itself.

 

KEYWORDS.- MANAGEMENT CONTROL, BANK, RETAIL INDUSTRY, STRATEGY.

 

Correspondance:

Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne
U.F.R. 06 - Gestion Sorbonne
17, rue de la Sorbonne
75231 Paris Cédex 05

 

 

CONTROLE DE GESTION DANS LA BANQUE

ET DANS LA GRANDE DISTRIBUTION:

QUELLE COHERENCE, QUELLE PERFORMANCE?1

 

Par bien des aspects, la banque commerciale2 semble plus proche du commerce de détail organisé3 que de l'industrie de masse4. Pourtant les systèmes de contrôle de gestion bancaires apparaissent fortement inspirés par le modèle industriel traditionnel et semblent à l'opposé du modèle utilisé par les entreprises de distribution (1ère partie). Ce paradoxe peut être résolu en montrant que les facteurs de contingence sont plus à rechercher dans l'ordre des représentations -sous-tendue chacune par une logique d'entreprise spécifique- que dans l'ordre des faits -les caractéristiques des produits et des processus- (2ème partie).

Si les systèmes de contrôle de gestion au sein de la banque et de la grande distribution ont chacun leur cohérence, ils ne semblent pas avoir la même performance: de plus en plus d'observateurs tendent à donner l'avantage au commerce de détail. Aussi la transposition d'un secteur à l'autre des méthodes et outils de contrôle de gestion est-elle tentante. Elle suppose cependant pour être réussie des transformations profondes (3ème partie).

 

1. Le paradoxe du contrôle de gestion bancaire

Les éléments de comparaison réunis dans le tableau 1 ne sauraient donner une vue exhaustive des différences et des ressemblances entre l'industrie de masse, la banque commerciale et le commerce de détail organisé. Ils font malgré tout ressortir une proximité plus grande entre les deux dernières activités qu'entre les deux premières.

 

____________________________________________________________

 

Tableau 1

Eléments de comparaison entre industrie de masse, banque commerciale

et commerce de détail organisé

  industrie de masse banque commerciale commerce de détail organisé
 secteur  secondaire  tertiaire  tertiaire
 nature de la clientèle   entreprises principalement  particuliers professionnels PME-PMI autres entrepr.  particuliers essentiellement
 implantation physique  nombre limité d'établiss. hétérogènes  réseau d'établiss. homogènes  réseau d'établiss. homogènes
 nombre de transactions avec les clients   moyen   très élevé  très élevé
 montant des transactions avec les clients   montant élevé  un grand nb avec montant faibl
un petit nb avec montant élevé
  montant faible
 proportion des effectifs en contact avec la clientèle   faible   élevée   élevée
 importance des éléments immatériels  moyenne  forte  forte
 connaissance des actions spécifiques désirablesa  élevée  faible  faible
 disponibilité des mesures d'outputb  élevée  moyenne à faible  moyenne

 

a. Merchant, 1982, Ouchi, 1977 ou Perrow, 1970

b. Ouchi, 1977 ou Merchant, 1982 ____________________________________________________________

 

Le paradoxe est que les systèmes de contrôle de gestion bancaire apparaissent fortement inspirés par le modèle industriel traditionnel5 et semblent s'opposer en tous points au modèle mis en oeuvre dans la grande distribution.

1.1. Caractéristiques des systèmes de contrôle de gestion bancaire

Ce qui frappe le plus lorsqu'on découvre le système de contrôle de gestion bancaire, c'est le poids donné à la comptabilité analytique et le degré de sophistication de celle-ci.

* Le système comptable vise à calculer des marges sur coûts complets par produit ou famille de produit ainsi que par client ou groupe de clients6. Nomenclatures, gammes opératoires, catalogues des tâches élémentaires, temps standard et coûts par unité d'oeuvre (Lemaître, 1992-93, p. 18, Rouach et Naulleau, 1994, de Coussergues, 1996) sont les maîtres-mots décrivant ces systèmes. Beaucoup d'efforts sont déployés en vue d'une répartition optimale des charges indirectes (sur les centres de responsabilité, les produits, les clientèles...) et de la mise en équation à grande échelle des prestations réciproques.

* Le système d'évaluation des performances repose principalement sur un découpage très fin de l'organisation en centres de responsabilité, dont un grand nombre sont érigés en centres de profit grâce à la mise en oeuvre d'un système élaboré de prix de cession internes. C'est notamment le cas des agences, dont la performance est principalement appréciée en termes de résultat comptable, même si peuvent être également pris en compte des indicateurs quantitatifs non comptables tels que "le nombre de clients, de comptes à ouvrir, de produits à placer ou d'argent à placer" (Lemaître, 1992-93, p. 18), voire des indicateurs qualitatifs comme les délais et le nombre d'anomalies.

* L'informatisation joue un rôle majeur dans la mise en place de ces systèmes; elle est conduite selon des schémas directeurs dont le déploiement complet exige plusieurs années7.

1.2. Caractéristiques des systèmes de contrôle de gestion dans le commerce de détail organisé

 

A l'inverse, les systèmes de contrôle de gestion dans le commerce de détail organisé (Bessire, 1995) apparaissent peu techniques. Le système de mesure de la performance commerciale et le système de suivi des coûts et des rentabilités peuvent se développer de manière relativement autonome, grâce à la coexistence de deux systèmes de comptabilité interne, l'une que nous qualifierons de comptabilité analytique, l'autre de comptabilité de responsabilité8.

* La première a pour objectif de mesurer l'activité et la rentabilité par famille de produit (éventuellement par référence pour les entreprises pratiquant la gestion unitaire); elle s'arràte au calcul de la marge sur coût d'achat.

La seconde permet de connaître les coûts engendrés par les différentes fonctions (vente, logistique, administration...) et par les centres de responsabilité qui les composent, ainsi que la contribution des différents centres de profit (rayon, magasin, région selon le cas).

Des analyses ponctuelles complètent ce dispositif et permettent de simuler les coûts et résultats des projets à l'étude ou de mener des études plus fines sur une question donnée. Les distributeurs n'ont en revanche pas introduit dans le système le calcul de la rentabilité par clientèle.

L'ensemble de la comptabilité de gestion se caractérise par sa simplicité. Le raisonnement en coûts directs est privilégié. Les systèmes de prestations réciproques y sont inconnus. Lorsque des répartitions sont effectuées, elles portent sur de grandes masses (frais de siège, informatique, publicité...) et utilisent des clés de répartition simples et en nombre réduit (chiffre d'affaires, nombre de points de vente, nombre de m2 de surface de vente). Les résultats de ces calculs sont essentiellement utilisés dans le cadre d'études ponctuelles ou à titre d'information pour les responsables.

* Le système de mesure de la performance est aussi un système différencié, qui utilise des critères multiples.

Pour les centres les plus autonomes, la performance est appréciée en termes de contribution, exprimée sous forme d'une marge sur coûts contrôlables; pour les autres, elle est appréciée simultanément en termes de développement du chiffre d'affaires et de maîtrise des coûts. Si le budget constitue un référentiel possible, la progression d'une période sur l'autre et la comparaison des unités de même nature jouent un rôle non moins déterminant. Le paiement de primes -individuelles et collectives- vient le plus souvent sanctionner la performance quantifiable.

L'évaluation des élements qualitatifs (animation de l'équipe de vente, qualité de l'accueil, adéquation de l'assortiment aux besoins des clients, tenue du magasin ou du rayon...) repose plus sur l'appréciation subjective du supérieur hiérarchique que sur un système formalisé de mesures. Le rythme de progression dans la carrière constitue la principale sanction des performances qualitatives.

* Si les systèmes informatiques associés à la gestion des ventes et des stocks sont très puissants, les systèmes liés au contrôle de gestion se caractérisent en revanche par leur légèreté. Plutôt que de recourir à des développements internes spécifiques, ils font assez souvent appel à des progiciels9.

 

2. Quelle cohérence?

 

Pour résoudre le paradoxe mis en évidence dans la première partie, il faut, selon nous, chercher la cohérence des systèmes de contrôle de gestion, non dans les caractéristiques des produits et des processus, mais dans les logiques qui sous-tendent les représentations que se font les acteurs de l'entreprise et de son environnement. Pour ce faire, nous nous appuierons sur une typologie originale des conceptions de l'entreprise, élaborée dans le cadre de la théorie des Cohérences humaines (Nifle, 1993)10.

 

2.1. Typologie des logiques d'entreprise et implications sur la conception des systèmes de contrôle de gestion

La théorie des Cohérences humaines nous permettra de mettre en évidence la cohérence existant entre les logiques d'entreprise et la conception de leur système de contrôle de gestion.

 

2.1.1. Typologie des conceptions de l'entreprise

 

Les différentes conceptions de l'entreprise (Nifle, 1987) peuvent être visualisées sur un schéma, dénommé carte des Cohérences de l'entreprise (figure 1).

* Sur l'axe horizontal, les "administrations" font face aux "entreprises". A l'est, l'entreprise est vue comme une structure fonctionnelle, une organisation bureaucratique; à l'ouest, elle est peráue comme l'engagement d'individus dans uen action collective, "un accord réciproque pour mener une action à terme" (Mérigot, 1992).

Sur l'axe vertical, au nord, la firme est vue comme un projet qui fait référence à une échelle de valeurs subjective; au sud, elle est conçue comme une exploitation et s'inscrit dans une vision matérialiste qui réduit "le monde, avec l'homme dedans, à un système d'objets reliés entre eux par des rapports universels" (Sartre, 1949, p. 138).

 

Figure 1

Carte des cohérences de l'entreprise

 

 

* Les deux axes délimitent quatre champs qui figurent des types idéaux et correspondent chacun à une logique d'entreprise spécifique.

Le champ sud-ouest dessine une logique de possession. L'entreprise est mue par une volonté de puissance: ses acquis (parts de marché, profits...) constituent la fin en même temps que les moyens de cette puissance. Dans ce type d'entreprise, le dirigeant asseoit souvent son pouvoir sur les liens affectifs intenses qu'il entretient avec les autres membres de l'organisation.

Le champ sud-est correspond à une logique de système que l'on pourrait également qualifier de néo-taylorienne. Toutes sortes de systèmes, même artificiels -économique, social...-, y sont considérés comme régis par les lois implacables de la nature. L'entreprise est vue comme une sorte de meccano des flux (flux matériels, financiers, humains....). L'entreprise de cette nature exprime souvent une volonté de "modernisation" qui s'incarne dans l'adoption de "modèles" qu'elle puise hors de son sein.

Le champ nord-est s'inscrit dans une logique de rationalité idéale, héritage de la pensée des Lumières. L'entreprise de ce type, que l'on peut qualifier d'utilitaire ou d'instrumentale, est entièrement conçue comme une architecture de fonctions et de compétences hiérarchisées en vue d'atteindre un but supérieur, un résultat qui est sa raison d'être, mais qui lui est le plus souvent externe. C'est l'entreprise idéale de beaucoup de nos modèles scientifiques et techniques.

Le champ nord-ouest traduit une logique de concourance11, cohérente avec une certaine vision de l'homme, engagé et responsable. La performance se mesure à la contribution aux finalités de l'entreprise, finalités d'essence humaine12.

 

2.1.2. Incidence sur la conception des systèmes de contrôle de gestion

 

Il est possible d'associer à chacune de ces conceptions de l'entreprise un design spécifique du contrôle de gestion et ainsi de retrouver ses multiples déclinaisons tant théoriques que pratiques, à travers les entreprises et les époques (figure 2).

Notons cependant que si les conceptions associées à la moitié sud-est du graphique renvoient à des configurations fréquemment décrites, il n'en va pas de même pour celles associées à l'autre moitié du graphique. Les systèmes de contrôle de gestion se sont en effet historiquement développés à partir d'une conception mécaniste de l'organisation, selon un modèle typiquement bureaucratique (Maître, 1984, p. 245).

 

Figure 2

Carte des cohérences du contrôle de gestion

 

 

 

* A l'entreprise conçue comme une structure fonctionnelle (à l'est) correspond un contrôle de gestion vu comme un contrôle de conformité (à un modèle, une procédure, un standard, une norme...). Le système budgétaire constitue l'outil principal, voire exclusif, du contrôle de gestion. Le budget est conçu comme une allocation figée de ressources. Cette conception est très proche de celle qui régit la comptabilité des administrations. Le contrôleur de gestion consacre l'essentiel de son temps à l'élaboration des prévisions et à l'analyse des écarts. La vérification l'emporte sur le pilotage.

A l'entreprise vue comme un acte engagé (à l'ouest) est associé un contrôle de gestion conçu comme un contrôle d'opportunité. Le contrôle ne porte plus sur la conformité de l'acte, mais sur sa cohérence avec les objectifs. Le contrôle de gestion se voit assigner une mission de pilotage, le critère étant la fidélité aux engagements tels qu'ils découlent des orientations stratégiques de l'entreprise. Il joue un rôle subsidiaire, au sens originel du terme13.

A l'entreprise conçue comme une exploitation (au sud) répond un contrôle de gestion vu comme un contrôle des quantités et des rapports entre celles-ci (les débits). L'accent est mis sur la dimension matérielle -au sens le plus restreint du terme- de la réalité. Le contrôleur de gestion n'est guère dans ce contexte qu'un comptable bis, chargé de pointer les matières consommées, les heures de main-d'oeuvre, les heures de machine, les rebuts, les pannes, les quantités produites... Tous ses efforts se focalisent sur le perfectionnement du système de comptabilité analytique.

Ce n'est que dans l'entreprise conçue comme un projet (au nord) que l'évaluation prend véritablement son sens. Elle est réalisée non plus dans l'absolu, mais par référence à une échelle de valeurs. Une nouvelle dimension est prise en compte: la dimension politique, qui s'exprime dans la vocation, l'identité de l'entreprise et son système de valeurs. La réflexion menée au sein de certaines collectivités locales dessine peut-être les prémisses d'un contrôle de cette nature14.

* Aux champs définis par ces deux axes sont associées quatre conceptions types du contrôle de gestion.

A la logique de rationalité idéale (au nord-est) correspond, nous semble-t-il, le concept de système de planification-contrôle (Anthony, 1965). Dans cette perspective, l'élaboration de programmes et une articulation cohérente entre planification stratégique, contrôle de gestion et contrôle opérationnel sont les objectifs poursuivis. Cette logique s'incarne notamment dans des méthodes telles que le PPBS (planning, programming, budgeting system) ou son équivalent franáais, la RCB (rationalisation des choix budgétaires): le contrôle de gestion est mis au service d'un projet. La direction par objectifs procède de la même vision: elle repose sur le postulat qu'il est possible, à tous les niveaux, de découper un objectif en sous-objectifs.

A la logique de système (au sud-est) correspond un contrôle centré sur la recherche de l'efficacité opérationnelle maximale (Porter, 1997). Cette conception est celle qui sous-tend fréquemment la gestion par les processus (Lorino, 1995a); elle se traduit notamment par l'adoption d'outils et de techniques de gestion comme la comptabilité d'activités, la conception à coût cible, le management total de la qualité ou le bench-marking. Le comptage reste un élément important, mais il se fait dans ce contexte par référence à des schémas de flux.

A la logique de possession (au sud-ouest) correspond un contrôle de gestion manipulateur, des chiffres, mais aussi des hommes: le contrôle de gestion peut être utilisé pour dresser les groupes les uns contre les autres et ainsi permettre aux dirigeants de renforcer leur pouvoir (Gervais, 1994, p. 200). Cette configuration va souvent de pair avec des situations de communication paradoxale: les responsables sont par exemple incités "à prendre des initiatives, à être autonomes, mais on exige en même temps qu'ils se conforment constamment aux vues de la direction" (Gervais, 1994, p. 203).

Dans une logique de concourance (au nord-ouest), le contrôle de gestion constitue un pôle d'expertise et de compétences au service des managers. Ses évaluations ne se limitent pas au seul plan des opérations, mais intègrent toutes les autres composantes de la réalité: ses dimensions objective, subjective et rationnelle, le plan des relations aussi bien que celui des représentations15. Les méthodes à mettre en oeuvre ne sont plus seulement quantitatives, mais aussi qualitatives. La dimension politique de l'entreprise est reconnue au travers de sa vocation et de son système de valeurs (principe de pertinence) et sa stratégie est déclinée dans ses différentes dimensions (principe de cohérence).

 

2.2. Application aux banques commerciales et aux entreprises du commerce de détail organisé

 

Le positionnement des banques commerciales et des entreprises du commerce de détail organisé sur la carte des Cohérences de l'entreprise va nous permettre d'identifier la logique sous-jacente à la conception des systèmes de contrôle de gestion dans ces deux secteurs.

 

2.2.1. Les banques commerciales: de l'entreprise vue comme une administration à l'entreprise peráue comme une exploitation

 

* Parti d'un mode de gestion administratif (contrôle quantitatif du crédit, contrôle des changes, actionnariat d'Etat...), le système bancaire franáais a été confronté à partir du milieu des années quatre-vingt à la "discipline" du marché (banalisation, décloisonnement et déréglementation)16.

Dans la première période, le mode de fonctionnement des banques se rapproche fortement de celui des administrations. La préoccupation du management est "plus de remplir une mission de service public que de satisfaire des actionnaires privés" (de Pontbriand, 1996, p. 224).

Dans la seconde période, dégagées de la contrainte imposée par la tutelle de l'Etat, les banques entrent dans une phase de mutation nommée "modernisation", "industrialisation" ou "rationalisation"; sans le nouveau guide que pourrait constituer une stratégie, expression de la volonté politique d'acteurs déterminés, elles oscillent entre une logique de rationalité idéale et une logique d'exploitation.

Les années quatre-vingt-dix voient se dessiner de nouvelles évolutions, tant juridiques qu'économiques, dont les conséquences demeurent encore incertaines. Aux nationalisations prévues par la loi du 11 février 1982 succèdent les privatisations. Les sinistres se multiplient, accélérant la restructuration du secteur bancaire. Le leitmotiv devient l'adaptation à un contexte peráu comme "hyper-concurrentiel". La logique d'exploitation s'impose de plus en plus fortement.

C'est ainsi que la superposition d'une logique administrative et d'une logique d'exploitation induite par la perte des repères habituels et par l'intensification de la concurrence a progressivement entraîné la majorité des banques dans une logique de système17.

* L'évolution dans la conception de l'entreprise s'est répercutée dans les systèmes de contrôle de gestion bancaire.

Jusqu'au milieu des années quatre-vingt, le champ du contrôle de gestion apparaît très limité: les efforts se concentrent sur l'affinement des techniques d'analyse de marge brute d'intermédiation, tandis que le contrôle des charges de fonctionnement est tenté "au travers d'un contrôle budgétaire classique et à beaucoup d'égards proche de celui des administrations" (Simon, 1992, p. 6). Le contrôle repose essentiellement sur un contrôle de conformité, sans toutefois exclure un contrôle par les débits.

A partir du milieu des années quatre-vingt, l'évolution de l'environnement rend "possible et nécessaire" (Simon, 1992, p. 5) la mise en oeuvre d'un contrôle de gestion d'une toute autre nature. Contrôle de rationalité (découpage de l'organisation en centres de responsabilité, instauration de centres de profits, généralisation des systèmes formels de mesure de performance) et contrôle de quantité (élaboration d'une comptabilité analytique particulièrement sophistiquée) se développent de manière concomittante.

Les années quatre-vingt-dix voient une nouvelle évolution du contrôle de gestion. La logique de système s'incarne dans la recherche de l'efficacité opérationnelle maximale. Elle se traduit notamment par des opérations d'externalisation, l'instrumentalisation de démarches qualité et le renforcement du contrôle interne.

Aujourd'hui, la physionomie du contrôle de gestion bancaire apparaît brouillée, car les différentes logiques continuent à coexister. L'affinement du calcul de coûts opératoires (Thénet, 1996), expression d'un contrôle de quantité, côtoie le lancement de démarches plus centrées sur les processus, traduction d'un contrôle axé sur l'efficacité opérationnelle. Les traits dominants sont cependant ceux d'un contrôle de gestion fortement instrumentaliste, expression d'une logique de système.

 

2.2.2. Les entreprises du commerce de détail: l'entreprise conçue comme un acte engagé

 

* Les entreprises de distribution, depuis le XIXème siècle, se sont développées dans un univers globalement peu réglementé. La fidélité à l'engagement humain qui leur a donné naissance s'est pérennisé grâce à une culture organisationnelle forte (Bessire, 1995), entretenue par la présence du fondateur ou de ses descendants dans les instances de direction et de contrôle, par un mode de gestion spécifique des ressources humaines de type up or out (Franck, 1987) et par une relative préservation de l'enracinement géographique. Ces entreprises peuvent donc être situées dans la partie ouest de la carte.

* En conséquence, l'accent est mis sur le contrôle d'opportunité; le contrôle de gestion, dans sa forme traditionnelle, y joue un rôle subsidiaire (Bessire, 1995).

 

 

3. Quelle performance?

 

Les systèmes de contrôle de gestion dans la banque et dans la distribution puisent chacun leur cohérence dans une conception spécifique de l'entreprise. Pour autant, ils ne semblent pas avoir la même performance; le diagnostic paraît donner l'avantage aux systèmes développés dans le commerce de détail. Une transposition des méthodes et des outils d'un secteur à l'autre paraît dès lors tentante; ce serait cependant succomber à l'illusion instrumentaliste si cette démarche ne s'accompagnait pas d'un changement de logique.

 

3.1. Performance comparée des systèmes de contrôle de gestion dans la banque et dans la distribution

 

P. Drucker (1995, p. 8) oppose les piètres résultats obtenus par les banques dans leur volonté "d'appliquer les techniques de comptabilité analytique conventionnelles à leur activité, c'est-à-dire de chiffrer individuellement le coût des opérations et des services", à la pertinence des choix faits par les distributeurs, "surtout ceux d'Europe occidentale". Ses observations convergent avec les nôtres: les différences dans les systèmes de contrôle de gestion entre la banque et le commerce de détail organisé illustrent de manière presque caricaturale l'opposition entre "paradigme computationnel" -qui sous-tend le modèle industriel traditionnel- et "paradigme interprétatif" (Lorino, 1995b, p. 104).

Les critiques formulées à l'égard du modèle traditionnel de contrôle de gestion (parmi bien d'autres, voir par exemple les critiques, aux Etats-Unis, de R. Kaplan, 1985, et, en France, de V. Giard, 1988 ou de P. Mévellec, 1988) s'appliquent mutatis mutandis au contrôle de gestion bancaire. S'y ajoutent des problèmes plus spécifiques de la banque. L'orientation fortement comptable des systèmes de contrôle de gestion bancaires les entraîne à des distorsions dans la prise en compte de la qualité de service18 et du risque19. Par ailleurs, le système d'incitations tend à provoquer une "réallocation des efforts au détriment des tâches non mesurables" (Nakhla, 1997, p. 45): il conduit notamment à apprécier la performance le plus souvent sur un horizon annuel, alors que les actions qu'a pu mener un responsable ne feront sentir leurs effets -positifs ou négatifs- que plusieurs années plus tard (Simon, 1992, p. 24); il met en outre l'accent sur un résultat, dont la maîtrise échappe en grande partie aux opérationnels, en raison du degré élevé de centralisation des décisions et du système des cessions internes (notamment de capitaux)20.

Cette appréciation, portée à partir des caractéristiques instrinsèques des systèmes, est confortée par les performances comparées des entreprises des deux secteurs: aux médiocres résultats de nombre de banques franáaises s'opposent les réussites des entreprises de la grande distribution.

Certaines banques ont porté le même diagnostic; elles ont en conséquence recruté des contrôleurs de gestion issus de la grande distribution pour mettre en place de nouveaux systèmes de contrôle de gestion.

 

3.2. Les objectifs possibles d'un changement dans les systèmes de pilotage21

 

Des systèmes de contrôle de gestion de la grande distribution, la banque pourrait retenir une différenciation dans le système de comptabilité interne entre comptabilité de responsabilité et comptabilité analytique et un mode d'appréciation spécifique des performances non immédiatement quantifiables. Elle parviendrait ainsi à simplifier les systèmes et à les rendre lisibles par tous.

 

3.2.1. Comptabilité de responsabilité

 

Le système d'information de gestion devrait permettre un suivi différencié de l'activité de transformation (gestion de bilan) et de l'activité d'intermédiation22 et, au sein de cette dernière, des activités commerciales (front office -les agences-) et des activités logistiques (back office).

Aux agences serait assignée la mission de développer le chiffre d'affaires (le produit net bancaire) dans le respect des normes -notamment de qualité et de risque- et de la stratégie de l'entreprise; à la gestion de bilan (qui agit comme un grossiste en trésorerie) serait confiée la responsabilité de la marge (sélection des "produits", de la politique de prix de vente et de l'orientation du mix). Dans une telle perspective, la qualification de centre de profit ne pourrait s'appliquer qu'à des niveaux hiérarchiques élevés, les agences étant érigées principalement en centres de revenus (contribution au produit net bancaire) et accessoirement en centres de coûts pour la partie -fort minime- des charges dont elles ont le contrôle.

Les objectifs du système de pilotage des fonctions logistiques devraient être les plus simples à définir; ils pourraient reprendre "ceux fréquemment utilisés dans l'industrie (coûts, délai de production, utilisation optimale des ressources...)" (Bancel-Charensol et Jougleux, 1997, p. 78). A court terme (au plus un an), le système reposerait sur le suivi des coûts contrôlables par centre de responsabilité23. A moyen et long terme, il faudrait intégrer la dimension processus, non par des analyses "standard" récurrentes intégrées au système d'information de gestion, mais plutôt par des analyses ponctuelles et ciblées.

L'activité commerciale devrait être appréhendée dans ses quatre composantes: les volumes d'activité (flux: la production nouvelle; et stocks: les en-cours), le chiffre d'affaires sous forme de contribution au produit net bancaire, la qualité et le risque. Ces différents éléments (dans la mesure où le choix est fait de les formaliser, ce qui n'est pas toujours nécessaire) pourraient être déclinés en un nombre réduit d'indicateurs24 obtenus grâce à un système d'information de gestion fortement simplifié.

 

3.2.2. Les objectifs d'une comptabilité analytique

 

L'évaluation de la rentabilité d'un produit (d'une famille de produit) ou d'un client (d'un segment de clientèle) exige une modélisation pertinente et des compétences spécifiques. Les chaînes classiques de traitement des informations comptables sont peu adaptées à cet exercice. A une approche exhaustive pourrait se substituer une appréciation sur des échantillons et, à un schéma unique et intangible, le test des différentes hypothèses à l'aide de langages et d'outils orientés vers la modélisation.

 

3.2.3. Appréciation des performances non quantifiables à court terme

 

La banque est une activité de services. La performance, comme dans la distribution, n'est jamais pleinement quantifiable (Ouchi, 1977). L'appréciation subjective25 de cette performance, par des cadres disposant d'un bon niveau d'information (au sens de la théorie des mandats), devrait compléter les mesures quantitatives. C'est ici une application de la loi de la variété requise: un système aussi complexe que celui de la relation entre une banque et son client ne peut être maîtrisé que par un système également complexe.

Ceci est particulièrement vrai pour ce qui touche à l'appréciation du risque. Les politiques ne peuvent se limiter à "l'accumulation de règles formelles ou quantitatives" (Yoncourt, 1993, p. 2) ou, dit en d'autres termes, "à l'asservissement [...] à des techniques de mesure et d'objectivation du risque, réprimant l'initiative de proximité et niant donc la place intrinsèque du pari et de la confiance"; elles ne seront efficaces que dans la mesure où elles s'appuieront sur une vision systémique "favorisant des comportements homogènes et cohérents, une culture commune à l'égard du risque" (ibid.).

 

3.3. Les écueils du changement

 

Les transformations proposées risquent cependant de se heurter à de nombreux écueils: contraintes financières26 certes, mais, plus profondément, insuffisance de la réflexion stratégique, qui est elle-même en grande partie le produit d'un certaine vision de l'entreprise.

 

3.3.1. L'insuffisance de la réflexion stratégique

 

La définition proposée il y a quelques années par R.N. Anthony (1993, p. 35) -"le contrôle de gestion est le processus par lequel les managers influencent d'autres membres de l'organisation pour appliquer les stratégies"- présuppose l'existence d'une réflexion stratégique de qualité.

Or le métier de la banque est bien souvent appréhendé de manière convenue: ses spécificités sont tantôt niées, tantôt surestimées. La réflexion stratégique semble accorder une confiance excessive aux démarches instrumentalistes27 comme le montre l'engouement pour des modèles de portefeuille où l'allocation des ressources aux activités est fonction du couple risque-rentabilité28. En maintes occasions, elle paraît aussi empreinte d'un certain conformisme; en témoigne la volonté -générale- de développer les produits et services dits "à valeur ajoutée" et le relatif désintéràt pour les produits de masse. Cette attitude va de pair avec l'insuffisance de rigueur dans la définition des "produits", qui pourtant constitue un problème particulièrement délicat dans l'activité bancaire et devrait se trouver au fondement de l'élaboration de tout système de comptabilité analytique29.

 

3.3.2. Le poids des logiques d'entreprise

 

Une telle situation n'a pu se développer que parce que les logiques qui sous-tendent les représentations dominantes de l'entreprise -hier une "administration", aujourd'hui principalement un système- restreignent fortement le champ de la réflexion stratégique30.

Remédier aux faiblesses du contrôle de gestion suppose donc en dernier ressort, sous peine d'incohérence, de changer de logique. La tâche est ardue, car "les éléments non symboliques (techniques et matériels) d'une culture sont plus aisément transférables que les éléments symboliques" (Cuche, 1996, p. 56). Adopter le modèle de la grande distribution sans changer de logique ne constituerait qu'un nouvel avatar de la logique de système, un modèle jugé plus "moderne" venant remplacer un autre considéré comme obsolète. Cette inversion de logique exige de chaque banque une redéfinition de sa vocation (Badoc, 1995) qui sache tirer parti de ses ressources spécifiques et de ses compétences distinctives. La réussite de l'entreprise suppose la mise en évidence du sens que revàt le changement et la possibilité donnée à chacun de s'y reconnaître, car la signification investie par les salariés dans leur activité professionnelle exerce une influence déterminante sur le respect de l'orientation stratégique de l'entreprise, sur sa cohésion et, pour finir, sur sa performance productive (Paradeise, in Courpasson, 1995 p. 8).

 

Conclusion

 

Né dans les entreprises industrielles, le contrôle de gestion échappe difficilement à ses origines (Bouquin, 1994); les études scientifiques dans cette discipline suivent la même voie: le domaine des services, dont le rôle dans l'économie ne cesse de s'accroître, reste encore peu exploré. La réflexion menée ici montre que l'analyse de secteurs, réputés peu avancés dans le domaine du contrôle de gestion parce qu'ayant mis en oeuvre des systèmes techniquement simples, peut, sur certains points, fournir un éclairage utile31.

Notes

 

1. Les données sur la grande distribution sont issues d'une investigation approfondie (pour plus de détail, voir Bessire, 1995) associant observation participante, entretiens directifs et non directifs, enquàtes par voie postale (une première, sous forme libre, menée auprès des 56 plus grands groupes du commerce de détail intégré, sur leurs structures organisationnelles: 23 réponses recueillies, soit un taux de 21 %; et une seconde effectuée auprès de la totalité des entreprises du commerce de détail exploitant en propre au moins 10 000 m2 de surface de vente: 45 réponses obtenues, soit un taux de 26 %) et exploitation de sources secondaires (ouvrages, presse générale et surtout professionnelle).

Pour le recueil des données sur la banque, une démarche qualitative a été privilégiée. Les informations sont principalement issues d'observations informelles soucieuses d'être le moins dérangeantes possible (entretiens à bâtons rompus avec des professionnels de la banque, participation à des conférences techniques); elles sont complétées par l'exploitation de sources secondaires: principalement mémoires de fin d'études, presse professionnelle (non cités dans le texte: Schrambach, 1992; Tixier, 1992; Coulomb, 1994) et ouvrages sur la banque (non cités dans le texte: Grafmeyer, 1992; Zollinger, 1993).

2. Il existe de multiples typologies des activités bancaires. Une distinction habituelle oppose la banque commerciale (encore appelée banque de détail ou banque à réseau) aux banques d'affaires (activités de marché, gestion d'actifs, ingénierie financière, conseil-intermédiation, investissement et gestion technique des titres). Dans la pratique, les plus grandes entreprises ayant une activité de banque commerciale exercent généralement la gamme complète des activités bancaires et constituent donc ce qu'on appelle des banques universelles. Une autre distinction oppose les banques au sens strict, membres de l'Association Franáaise des Banques -AFB- (Crédit Lyonnais, Banque Nationale de de Paris, Société Générale...) aux banques dotées d'un statut social particulier, de caractère coopératif ou mutualiste (Banques Populaires, Caisses de Crédit Agricole ou de Crédit Mutuel), ou bien encore non lucratif (Caisses d'épargne et de prévoyance). Notre étude est centrée sur la banque dite commerciale, même si certaines remarques peuvent s'appliquer à d'autres activités.

3. Le commerce organisé -encore appelé grande distribution- regroupe le commerce intégré (par exemple, Carrefour, Darty), le commerce associé (par exemple Leclerc, Intermarché) et le commerce indépendant sous franchise. L'analyse présentée ici se réfère essentiellement aux deux premières formes (commerce intégré et commerce associé).

4. Le terme "industrie de masse" est utilisé par opposition à la production en petites séries ou par projet.

5. Cette constation, d'autres chercheurs l'ont faite: "l'Association Franáaise des Contrôleurs de Gestion de Banque a contribué à la définition d'un contrôle de gestion très inspiré des modèles industriels", Simon, 1992, p. 6)

6. L'opportunité de descendre jusqu'au niveau du produit ou du client suscite encore les plus vifs débats chez les professionnels.

7. Ce tableau général mérite d'être nuancé: il semble que les systèmes de contrôle de gestion au sein des banques non AFB (voir note 2) soient moins axés sur les sytèmes comptables et moins sophistiqués que dans les banques AFB.

8. Cette distinction entre comptabilité analytique et comptabilité de responsabilité nous est inspirée par M. Capet et C. Total-Jacquot (1976, p. 9). Nombre des critiques faites au système traditionnel de calcul des coûts trouvent leur source dans la confusion souvent faite, dans la pratique, entre ces deux notions.

9. Là encore, cette brève description ne fait apparaître que des tendances générales: les systèmes de contrôle de gestion dans les groupes de distribution les plus anciens apparaissent plus bureaucratisés que ceux de groupes plus récents.

10. L'exposé des fondements de la théorie nous contraindrait à sortir des limites imposées au format de cet article. Nous renvoyons aux écrits de l'auteur.

11. Concept utilisé par R. Nifle dès 1987. Le verbe concourir qui signifie à la fois "tendre à un but commun, contribuer avec d'autres à un même résultat" et "entrer en compétition" (dictionnaire Le Robert) n'avait donné, jusqu'à une époque récente, que le substantif concurrence qui retient uniquement le deuxième sens. Le néologisme concourance a été popularisé par les écrits en gestion de projet comme synonyme d'ingénierie simultanée.

12. La typologie proposée par R. Nifle permet, nous semble-t-il, d'intégrer dans un ensemble cohérent de nombreuses autres typologies des organisations. pour prendre un exemple bien connu, l'axe sud-ouest/nord-est trace la frontière "classique" entre les entreprises "organiques" (au-dessus de la diagonale) et les entreprises "mécanistes" (en dessous) de T. Burns et G.M. Stalker (1961).

13. Subsidiaire: "qui est destiné à être utilisé en second lieu, à l'appui d'une chose plus importante (c'est nous qui soulignons)" (dictionnaire Le Robert); pour une autre application de ce principe au contrôle de gestion, voir Bessire (1995).

14. "Il s'agit de surveiller et de contrôler les dépenses, mais également de s'interroger sur les politiques menées et leurs impacts. En plus des notions d'économie, d'efficience et d'efficacité, traditionnelles en contrôle de gestion, l'évaluateur doit formuler un avis sur la valeur même des objectifs et donc des choix politiques pris" (Dupuis, 1995, pp. 10-11).

15. Sur cette conception de l'évaluation, voir l'article du Collectif de recherche sur l'immatériel (1997).

16. Exposer les mutations qui ont affecté le secteur bancaire dans les quinze dernières années excèderait le cadre de cet article. Voir sur ce point des articles et des ouvrages spécialisés, par exemple, Bryan, 1989; Cahiers Franáais, 1991; Zerah, 1993; Bossard Consultants, 1996.

17. D. Courpasson (1995, p. 241) parle de "logique trop techniciste de type néo-taylorien". Cette analyse succincte ne décrit cependant que des tendances générales. Tandis que certaines banques semblaient pencher vers une logique de possession, d'autres paraissaient plus attachées aux valeurs sur lesquelles elles avaient été fondées et donc plus proches d'une logique de concourance.

18. Selon l'enquàte de J.-L. Ardoin (1995), la qualité arrive au dernier rang des critères de performance et n'est citée que 5 fois (sur 34 réponses). Significative aussi d'une vision déformée de la qualité nous paraît être la réflexion qui concluait l'exposé d'un consultant sur la mise en place d'un nouveau système de mesure de la performance dans une grande banque: "est-ce que le client est pràt à payer la qualité que nous allons lui offrir?".

19. "Gagner de l'argent dans la banque, c'est être capable de ne pas en perdre" (H. Spitezki, 1996). Pourtant si le risque individuel se voit appliquer des méthodes classiques de scoring ou d'autres plus sophistiquées, comme celles fondées sur les réseaux neuronaux, les risques de systèmes, liés à la conjoncture, à l'évolution de certains secteurs ou au développement dans des métiers nouveaux, font encore rarement l'objet d'une appréhension rigoureuse. C. Paradeise (in Courpasson, 1995, p. 12) souligne par ailleurs "un danger qui pourrait être mortel pour le métier, les clients et la vie des affaires", à savoir "l'asservissement de l'activité bancaire à des techniques de mesure et d'objectivation du risque, réprimant l'intiative de proximité et niant donc la place intrinsèque du pari et de la confiance dans toute activité commerciale".

20. Toujours selon l'enquàte réalisée par J.-L. Ardoin (1995), le résultat brut d'exploitation figure parmi les tout premiers critères de mesure de la performance et obtient le maximum de citations (16), alors que les agences ne peuvent agir que sur 36 % des frais de fonctionnement.

21. Compte tenu du format assigné à cet article, les propositions émises ne sauraient prétendre à l'exhaustivité.

22. Par de nombreux aspects, la transformation s'apparente à la fonction exercée par les centrales d'achats dans les entreprises du commerce de détail organisé, et l'intermédiation à la fonction distribution assumée par l'ensemble des points de vente de ces màmes entreprises.

23. Dans cette perspective, la masse salariale ou les charges immobilières du réseau par exemple, même si elles constituent des charges directes pour les agences, seraient gérées au niveau central.

24. La Caisse d'Epargne de Picardie dans son système de gestion rénové utilise un tableau de bord à cinq indicateurs (Mérindol, 1995).

25. La subjectivité ne doit pas être confondue avec le subjectivisme ou l'arbitraire. Au contraire du recours à des critères "objectifs", elle implique une prise de responsabilité de la part de celui qui formule l'appréciation.

26. L'importance des sommes investies dans les systèmes d'information actuels ("cathédrales informatiques construites à coups de centaines de millions de francs", Delzanno, 1994, p. 75) constitue, en période de crise et de restrictions budgétaires, un frein important.

27. On notera le parallélisme avec les difficultés que rencontre l'implantation du contrôle de gestion dans les services publics: "la culture réglementaire et hiérarchique des dirigeants [...] les pousse [...] à sous-estimer l'apport d'un diagnostic approfondi, au profit d'outils dont l'immense avantage réside dans leur concrétisation sous forme de procédures, monde familier pour ces responsables" (Guyon, 1997, p. 15).

28. "Le principe consiste à affecter proportionnellement plus de capital aux transactions (ou aux portefeuilles, ou aux affaires) qui présentent de plus grands risques. La rentabilité de chaque opération peut alors être exprimée en pourcentage du capital "consommé", de faáon à évaluer la réussite de chaque affaire et de la banque en général." (McCarthy, 1993, p. 50). Avec un décalage d'environ vingt ans, la banque s'empare des modèles stratégiques d'analyse de portefeuille et cède aux mirages d'un nouvel avatar du R.O.I. Pour une critique de l'utilisation de ces modèles, voir par exemple Simon, 1992, pp. 19-20; McCarthy, 1993, p. 52; Proust, 1993, pp. 47-49; Yoncourt, 1993; de Pontbriand, 1996, p. 224.

29. C. Simon (1992, p. 19) note que dans un contexte de globalisation, le contour des produits est de plus en plus flou et que "les activités d'intermédiation et de gestion des moyens de paiement ne peuvent être scindées sans recourir à des artifices grossiers".

30. Rappelons que la logique de système s'accompagne d'une recherche de l'efficacité opérationnelle qui, selon M. Porter (1997, pp. 6-7), finit par supplanter la réflexion stratégique.

31. Nous suivons en cela l'exemple de W. Ouchi (1977) qui a élaboré sa typologie des modes de contrôle à partir d'une étude empirique menée auprès de chaînes de grands magasins.

 

 

 

Bibliographie

 

ANTHONY R.N. (1965), Planning and Control Systems, A Framework for Analysis, Harvard University, Graduate School of Business Administration, Division of Research, Boston.

ANTHONY R.N. (1993), La fonction contrôle de gestion, Publi-Union, Paris (publié en anglais sous le titre The management control Function, Harvard Business School Press, 1988).

ARDOIN J.-L. (1995), "Résultats de l'enquàte sur le contrôle de gestion des réseaux bancaires", in La mesure de la performance des réseaux bancaires (Compte-rendu de la journée technique de l'Association franáaise des contrôleurs de gestion de banque du 14 juin), 22 p. [enquàte menée en 1995 auprès de 34 établissements; 19 banques AFB, 13 banques de réseau mutualiste et 2 d'appartenance inconnue].

BADOC M. (1995), Marketing Management pour les sociétés financières, Les Editions d'Organisation.

BANCEL-CHARENSOL L. et JOUGLEUX M. (mars-avril-mai 1997), "Un modèle d'analyse des systèmes de production dans les services", Revue Franáaise de Gestion, n 113, pp. 71-81.

BESSIRE D. (1995), Régulation et systèmes de planification-contrôle, l'exemple de la grande distribution, Economica-ICC.

BESSIRE D. et NIFLE R. (mai 1996), "Le sens du contrôle de gestion, quelques repères épistémologiques", Cahiers de recherche de l'Association Franáaise de Comptabilité, n 1, pp. 19-25.

BOSSARD CONSULTANTS (mars 1996), "Dossier Spécial Interfinances Expobanque", MTF L'Agefi, n 79, pp. 21-47.

BOUQUIN H. (1994), Les fondements du contrôle de gestion, Presses Universitaires de France, collection "Que sais-je?", n 2892.

BRYAN L. (1989), La banque éclatée, Interéditions (publié en anglais sous le titre Breaking Up the Bank, Richard D. Irwin, Inc., 1988).

BURNS T. STALKER G.M. (1961), The Management of Innovation, Tavistock Institute, Londres.

CAHIERS FRANCAIS (1991), "Banques et assurances", La Documentation franáaise, n 252.

CAPET M. et TOTAL-JACQUOT C. (1976), Comptabilité, diagnostic et décision, Presses Universitaires de France, collection "Systèmes-décision".

COLLECTIF DE RECHERCHE SUR L'IMMATERIEL (octobre 1997), "Gestion de l'immatériel: fondements d'une méthodologie générale d'évaluation et de contrôle", Actes du 8ème Congrès International de l'I.A.A.E.R. (International Association for Accounting Education and Research), Paris.

COULOMB E. (1994), "Les multiples facettes du contrôle de gestion", Banque, n 544, pp. 72-74.

COURPASSON D. (1995), La modernisation bancaire: sociologie des rapports professions-marchés, L'Harmattan.

COUSSERGUES S. (de) (1996), Gestion de la Banque, Dunod.

CUCHE D. (1996), La notion de culture dans les sciences sociales, La Découverte, collection "Repères".

DELZANNO P. (1994), "Banques et informatique, le juste retour", Banque, n 544, p. 75.

DRUCKER P. (juin 1995), "L'information dont un dirigeant a vraiment besoin", L'Epansion Management Review, pp. 6-14, article initialement publié en anglais sous le titre "The Information Executives Truly Need", Harvard Business Review (janvier-février 1995).

DUPUIS J. (1995), "Compte-rendu des rencontres des directeurs financiers et contrôleurs de gestion des collectivités locales à Marseille", Echanges, n 117, novembre, pp. 10-11.

FRANCK G. (novembre-décembre 1987), "Pour rendre la formation efficace", Revue Franáaise de Gestion, n 65, pp. 10-12.

GERVAIS M. (1994), Contrôle de gestion par le système budgétaire, Vuibert, collection "Vuibert entreprise".

GIARD V. (1988) "Gestion de production: évaluation économique et prise de décision", Revue franáaise de gestion, n 67, pp. 14-28.

GRAFMEYER Y. (1992), Les gens de la banque, Presses Universitaires de France, collection "Sociologies".

GUYON C. (mars 1997), "Le contrôle de gestion est-il soluble dans les services publics?", Echanges, n 132, pp. 11-20.

KAPLAN R. (1985) "Il faut modifier nos méthodes comptables", Harvard-L'Expansion, n 36, pp. 53-60 (publié en anglais sous le titre "Yesterday accounting undermines production", Harvard Business Review, juillet-aoñt 1984).

LEMAITRE P. (1992-93), "Contrôle de gestion ou planification stratégique dans le tertiaire?", Direction et gestion des entreprises, n 138-139, pp. 15-26.

LORINO Ph. (juin-juillet-aoñt 1995a), "Le déploiement de la valeur par les processus", Revue Franáaise de Gestion, n 104, pp. 55-71.

LORINO Ph. (1995b), Comptes et récits de la performance, essai sur le pilotage de l'entreprise, Les Editions d'Organisation.

MAITRE P. (1984), Plans d'entreprise et contrôle de gestion, Dunod, collection "Dunod entreprise".

McCARTHY M. (1993), "Aspects pratiques de l'affectation des fonds propres aux risques", Dossier "Les fonds propres", Banque, n 537, pp. 50-57.

MERCHANT K.-A. (été 1982), "The Control Fonction of Management", Sloan Management Review, pp. 43-55.

MERIGOT J.-C. (1992), "Qu'est-ce que l'entreprise?", Encyclopédie du management, Vuibert.

MERINDOL N. (1995), "Un exemple de la mesure de la performance du réseau par la production nouvelle", in La mesure de la performance des réseaux bancaires (voir Ardoin, 1995).

MEVELLEC P. (janvier-février 1988), "La comptabilité analytique face à l'évolution technologique", Revue franáaise de gestion, n 67, pp. 30-36.

NAKHLA M. (mars-avril-mai 1997), "Décentralisation de l'organisation: quelle stratégie pour gérer les risques-crédits?", Revue Franáaise de Gestion, n 113, pp. 41-50.

NIFLE R. (1987), La civilisation de l'entreprise, http://www.institut-cohérences.fr.

NIFLE R. (1993), Sens et Cohérences humaines, théorie et pratique, http://www.institut-cohérences.fr. TRAVAUX et TEXTES

OUCHI W.G. (mars 1977), "The Relationship between Organizational Structure and Organizational Control", Administrative Science Quarterly, vol. 22, n 1, pp. 95-113.

PERROW C. (1970), Organizational Analysis. A Sociological View, Tavistock Publications, Londres.

PONTBRIAND (de) G. (15 juin 1996), "L'immobilisme des banques franáaises", Chroniques économiques SEDEIS, vol. 45, n 6, pp. 221-228.

PORTER M. (mars 1997), "Plaidoyer pour un retour de la stratégie", L'Expansion Management Review, pp. 6-18 (initialement publié en anglais sous le titre "What is strategy?" dans Harvard Business Review, novembre-décembre 1996).

PROUST J. (1993), "Peut-on allouer les fonds propres en fonction du risque?", Dossier "Les fonds propres", Banque, n 537, pp. 46-49.

ROUACH M. et NAULLLEAU G. (1994), Le contrôle de gestion bancaire et financier, La Revue Banque Editeur.

SARTRE J.P. (1949), Situations III, 13ème édition, Gallimard.

SCHRAMBACH G. (1992), "La valeur, point d'appui des décisions stratégiques dans la banque aujourd'hui", Banque, n 523, pp. 20-26.

SIMON C. (1992), "Le contrôle de gestion bancaire", Les Cahiers de recherche - Groupe E.S.C.P., n 92-109.

SPITEZKI H. (1996), "Banque universelle: le contrôle de gestion un outil indispensable face à la montée des périls", 40ème anniversaire de l'I.A.E. de Paris, non publié.

THENET G. (1996), "Le problème de l'imputation des charges indirectes de fonctionnement dans le secteur bancaire", dans GERVAIS M. (dir.), Recherches en contrôle de gestion, Economica, pp. 28-52.

TIXIER F. (1992), "Contrôle de gestion bancaire: une problématique instrumentale", Marchés et techniques financières, n 4, pp. 30-32.

YONCOURT B. (1993), "Avoir une politique de risques", Dossier "Les risques entreprises", Banque, n 539, pp. 28-29.

ZERAH D. (1993), Le système financier franáais, dix ans de mutation, Notes et études documentaires, n 4980-81.

ZOLLINGER M. (1993), Marketing et stratégies bancaires: la métamorphose, Dunod.


Travaux et textes

Les travaux de Roger Nifle : Textes en ligne

INSTITUT COHERENCES

Prospective pour l'âge du Sens

Le Cercle de Propsective Opérationnelle

et le CRI