SENS ET COHERENCES HUMAINES
©Roger NIFLE

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2 - LES JEUX D'IDENTITE

a) Principes et stabilités



La carte générale des cohérences offre un éventail infini de Sens repérables à partir des axes et dans les champs de cohérence. On peut considérer que chaque Sens représente une tendance caractérielle. Chaque Sens peut prendre réalité dans des comportements, des attitudes, mais aussi dans des expressions et situations qui le manifestent. Une tendance de personnalité est dans un Sens avec la panoplie de ses modalités manifestables.

Chacun possède l'ensemble des tendances que permet d'envisager la carte. Cependant ce qui fait la personnalité propre d'une personne c'est d'abord le degré relatif de chacune de ces tendances. La distribution des Sens n'est pas homogène et sur la carte on peut la repérer par un profil particulier.



Ce profil marque une nette prédominance pour la CONQUETE. La personne peut se trouver dans tous les champs mais celui là dominera les situations où il se placera.

Une tendance majeure dans un profil correspond à différentes choses qu'il ne faut pas oublier :

- Elle correspond au type de situation que l'individu aura tendance à rencontrer ou à choisir. Dans le profil précédent l'intéressé choisira peut-être pour cela une profession très en vue. Il se trouvera là au bon moment, etc..

- Elle correspond au type d'attitudes, d'expressions, de comportements de la personne, en cohérence bien sûr avec la situation.

- Elle correspond au type de relations et de communications privilégiées (mais non exclusives bien sûr). Quelqu'un qui a une tendance dominante dans la DEGRADATION aura tendance à établir de mauvaises relations et à mal communiquer. Il y aura toujours malaises ou conflits autour de lui.

- La tendance majeure correspond aussi au Sens particulier que donne l'intéressé au monde qui l'entoure. C'est une préactivation dominante.

Ce dernier point est important à souligner. En effet à tout message/situation, à toute réalité, une tendance caractérielle dominante peut correspondre à une très forte préactivation. De ce fait tout Sens donné aux choses en est fortement empreint.

Ceci conduit à des modes de pensées variés, à des idéologies, des visions du monde et des choses différentes. Dans l'étude des divers types de tendances (identités) nous étudierons notamment les différentes visions des problèmes de communication selon les champs.

Le profil d'un individu peut varier au cours de la vie ou se réduire à quelques tendances principales. Les diverses tendances s'activent aussi selon les situations. On trouve ainsi des personnages qui fonctionnent professionnellement dans le champ de la CONQUETE et sur le plan familial dans L'INVOLUTION.

D'autres fonctionnent presque exclusivement dans la DEGRADATION, d'autres encore selon différentes tendances dans le même champ selon les circonstances, activités professionnelles et activités sociales par exemple.

Ainsi des individus apparaissent comme monolithiques ou binaires ou ternaires avec ou sans nuances, avec ou sans grande mobilité de Sens. Tout ceci peut dépendre d'un contexte particulier. Des personnes peuvent avoir une vie sociale dans la conquête et une vie affective dans la dégradation par exemple. Cela varie dans le temps et selon les circonstances, si l'individu n'est pas figé. Malgré tout, dans une situation donnée à un moment donné, une personne fonctionne selon une tendance dominante donnée. Cette tendance est pour lui le Sens de la situation, celui de la communication et de son processus, mais aussi celui de sa dimension personnelle. C'est sa tendance caractérielle ou le type de personnalité qu'il exprime et vit à ce moment là. Tout se passe alors toujours à ce moment comme si c'était là toute sa personnalité.

Si quelqu'un se manifeste toujours de façon autoritaire dans son travail, il peut passer pour avoir une personnalité autoritaire pour les personnes qu'il y rencontre. Cela n'empêche pas que dans d'autres circonstances, il ait des attitudes très différentes et y passe alors pour d'autres personnages. Cela est vrai pour des lieux et circonstances différentes et pour des moments différents.

Pour une situation donnée la personnalité se réduit en général à une tendance particulière que l'on considère comme son identité à ce moment là.

La carte générale des cohérences peut être considérée ainsi comme la carte des différents types d'identités. Pour simplifier on prendra au lieu d'un Sens tout un secteur de Sens ou même un champ.

Cela nous amène pour l'instant à quatre grandes classes d'identités correspondant aux quatre champs. On passera à huit types d'identités si on y ajoute la troisième dimension. En fin de chapitre on examinera aussi les axes de la carte générale. On pourrait ainsi multiplier les classes ce qui ferait perdre une facilité d'usage de l'instrument d'analyse proposé. C'est pour cela que dans la pratique courante on se contente des huit premiers types. On les considérera en outre, pour simplifier les évocations, comme huit types des personnages.

Venons en maintenant à ce que l'on appelle jeux d'identités. Un jeu d'identité est la relation entre deux personnes stabilisée sur une cohérence commune et donc selon une même tendance. Comme on l'a vu, une communication tend à s'ajuster sur une cohérence commune, un conSensus, ou à se rompre. Toute relation que l'on peut étudier, est donc soit provisoirement en phase d'ajustement, soit stabilisée sur une tendance commune.

De ce fait, il ne peut y avoir de communication véritable que dans une relation où les deux parties se situent dans le même champ de la carte de cohérence. Leur tendance commune est le Sens de la situation et de la communication. Leurs types d'identités de même cohérence sont en interaction. C'est ce que l'on appelle un jeu d'identités.

Tout se passe, pour un jeu d'identités, comme si deux personnages de même tendance inter-agissaient dans la situation de communication.

Toute relation stable est ainsi un jeu d'identités (ou une succession de jeux d'identités) entre des tendances de même Sens. L'ajustement consiste aussi à trouver le type d'identités commun favorable. Il ne peut donc y avoir communication entre deux personnages de champs différents. Si cela se présente la phase d'ajustement peut échouer et il y a rupture de la relation. Concrètement cela s'arrête. Si on observe des entretiens entre deux personnes, on s'aperçoit que les ruptures, la fin des entretiens correspond presque toujours à un désajustement des types d'identités non réajustés. Lorsque deux personnes préactivées dans des types d'identités différents se rencontrent, tout d'abord elles ne se comprennent pas, les choses n'ont pas le même Sens pour l'une et pour l'autre, K différencié de K'. Quelquefois malheureusement, cette incompréhension prend peu à peu Sens dans la dégradation et s'établit (inconsciemment en général) un conSensus avec ajustement d'un jeu d'identités dans ce champ. La communication existe, se stabilise même, dans une situation de mauvaise relation, durable malgré tout.

La stabilité d'une relation de communication est toujours ainsi le produit d'une phase d'ajustement plus ou moins difficile (en général très courte d'une fraction de secondes à quelques minutes). Cet ajustement se fait sur des identités de même type dans le même champ et s'établit ainsi un jeu d'identités.

Il reste à introduire dans ce schéma la troisième dimension. Elle apporte quelque chose d'important. En effet si on prend un Sens donné pour une relation entre deux personnes on s'aperçoit alors qu'elles peuvent se situer soit de part et d'autre du plan de la carte de cohérence, soit du même côté :





Dans les deux cas la relation est stable, de même cohérence. On a deux types de jeux d'identités. Ceux dont les personnages sont du même côté, sont dits (par convention) symétriques.

Ceux dont les personnages se situent de part et d'autre sont dits (toujours par convention) complémentaires . Par ailleurs les tendances qui suivent l'axe ETRE sont dites de position haute et celles qui suivent l'axe NON-ETRE, de position basse . Cela s'explicitera dans les descriptions ultérieures pour chacun des champs.

Une relation complémentaire est celle où les types d'identités sont l'un en position haute, l'autre en position basse. Une relation symétrique est le cas où ils sont de même position haute ou basse. Nous allons maintenant explorer chacun des quatre champs de la carte générale des cohérences. Cela permettra de construire peu à peu un outil qui servira ensuite à différents problèmes de communication.

b) Champs de la conquête



Dans chacun des champs les deux types d'identités se placent de part et d'autre de la carte générale selon la troisième dimension. Leur est attribuée une appellation qui évoque un très large éventail de modalités et de circonstances. Il faut voir ces noms en ce qu'ils sont isomorphes dans le champ où ils figurent, c'est-à-dire leur Sens.

b-1 - Les deux types d'identités

Pour la position haute, il s'agit d'un CHEF, VEDETTE, MODELE. C'est un chef, c'est-à-dire ici le premier sur une échelle, à la tête (le chef) avec éventuellement un couvre chef (képi, tiare ou autre objet caractéristique). Etre un "chef" signifie trivialement être le premier, le meilleur, être quelqu'un qui réussit. Le chef est "le plus...". Le plus compétent ou riche ou beau ou intelligent ou fort... Ce qui dans ce champ le caractérise toujours, c'est d'être au sommet de quelque chose. Tout cela se passe bien sûr avec bien des nuances. En tout cas est chef celui qui est reconnu comme tel selon des critères pertinents dans un lieu donné. Ce sont les critères d'élection qui fondent son statut. Le statut, reconnu par une population quelconque, est l'essentiel. Le rôle du chef consiste à représenter ces critères. Par exemple le chef de service représente les objectifs du service, le chef d'un état représente l'intérêt supérieur.
Le terme de vedette marque le fait qu'il ne peut être reconnu que s'il est en vedette, et même "la vedette" pour tenir cette place unique. C'est le numéro 1 pour les critères d'élection. L'ensemble de ces critères constitue la cause . Le terme modèle souligne que "le premier" est un modèle à imiter ; c'est d'ailleurs parce qu'il représente la cause que ce qu'il fait ou dit en son nom est à imiter.
Dans ce champ ce type d'identités se définit ainsi toujours par une Cause qui est à conquérir. La cause, c'est l'objectif, le trophée, l'enjeu, le territoire, la patrie, la nation, l'entreprise, la part de marché, le nombre de voix, un idéal, une idéologie, la science, la nature, la médecine, les femmes, un public, etc.... Les causes possibles sont infinies, banales comme extraordinaires. Elles sont toujours objectivables. Une cause se caractérise toujours par un ensemble (qui constitue un espace, un territoire) de critères objectifs (critères d'élection, nombre de..., valeurs, mesures, etc...)

Pour une cause il doit toujours y avoir un représentant, le N° 1. De ce fait il ne peut qu'être l'unique. Il ne peut y avoir deux N° 1 sur la même cause .

Toute l'activité, l'attitude, les comportements du N° 1 sont entièrement destinés à représenter la cause à laquelle il est identifié . "L'Etat c'est moi" en est un exemple, mais aussi déclarer que ce que l'on dit est la vérité, donner des consignes en son nom comme étant évidemment au nom de la cause. Le scientifique qui parle au nom de la science, le chef de département qui parle au nom de l'entreprise, le politicien qui parle au nom de la France, le journaliste qui parle au nom de l'objectivité. Le premier sur une cause, ne l'est que tant qu'il est reconnu comme tel. S'il n'est plus reconnu, soit il n'est plus le premier, soit on change de champ. De ce fait, le Sens de son fonctionnement est d'être reconnu en représentant la juste cause selon les bons critères.

Il faut rester le meilleur et pour cela le montrer. Pour être au sommet le chef-vedette-modèle ne doit pas cesser de donner à voir qu'il l'est toujours selon les critères ad-hoc. Il ne doit pas cesser de briller comme une étoile (star) de se donner en spectacle (selon les règles du jeu, critères de la cause). Ce qui importe, c'est la réalité, les apparences. C'est la position, la valeur, la mesure, la place dans l'espace et non pas le Sens.

Pour être élu, reconnu, il faut un public. Il est fait des personnages en position basse : les MILITANTS. Ils militent pour la CAUSE. Ce sont eux qui élisent et suivent le chef. Même si l'élection n'est pas formelle, le chef non reconnu n'est pas suivi ou alors on passe dans d'autres champs. Le militant se consacre à sa cause, celle qu'il a choisi, il s'y dévoue et se dépasse pour elle. Il est motivé, il y croit et cherche à être compétent, efficace. Son rêve secret, c'est d'être le meilleur et ainsi il est sans cesse engagé dans une compétition sur une échelle dont les critères de valeur sont ceux de la cause. Critères de compétences professionnelles, de nombre d'électeurs, de résultats, de conquêtes féminines ou masculines, de réussites sportives, d'esthétique, etc...
Le militant a pu être boy scout et avoir fait ainsi un bon apprentissage. Cela se vérifie d'ailleurs pour nombre de causes sociales, politiques, sportives, religieuses, etc... La cause étant définie par tout ensemble de critères objectifs, c'est en fait tous les objectifs extérieurs à soi qui peuvent être une cause. Cette cause est d'ailleurs cause commune, entre les militants qui forment ainsi une équipe et le chef qui la représente.

Reprenons maintenant le jeu d'identités chef-vedette-modèle / militants. Pour qu'il y ait stabilité, il faut ici qu'il y ait cause commune. Le militant reconnaît et élit le chef selon les critères d'élection et le chef est identifié à la cause. La cause est une objectivation de la cohérence commune dont les Sens sont inconscients pour les protagonistes. Elle est de l'ordre de la réalité même si elle ne fait qu'exprimer une cohérence de la conquête. Le militant place dans son chef, dans le représentant de la cause, le lieu de ses propres objectifs alors que ce dernier identifié à la cause, les place en lui-même.

Pour fonctionner ainsi le militant a toujours besoin d'un N° 1 représentant la cause. S'il n'y en a pas il faut en élire un, le meilleur des militants. Sinon on change de champ, on peut se retrouver dans celui de la DEGRADATION. Dans la conquête toute équipe de militants sur une cause a besoin d'un chef, représentant, d'une vedette, d'un modèle à imiter, autrement elle perd la foi, le moral et la cause est perdue par démobilisation.

Dans une organisation ce jeu d'identités se traduit par une hiérarchie avec beaucoup d'échelons (à gravir). A chaque niveau on peut avoir une cause partielle. De ce fait s'installe tout un réseau de communication stable ou une équipe de militants a un chef qui est lui-même militant d'une cause supérieure avec aussi un chef, etc...

Le chef suprême représente la totalité de la cause, les autres, des parties de son territoire. D'ailleurs si ces territoires ne sont pas bien délimités cela pose des problèmes.

Observons ce qui se passe maintenant dans les relations symétriques.

Entre positions basses on peut avoir deux militants sur la même cause. Ils coopèrent sur l'objectif commun, promouvoir la cause, la faire avancer. C'est par elle qu'ils trouvent leur identité et c'est ce qui fait leur motivation commune. Ils sont chacun à leur place selon leur valeur dans l'échelle des critères d'élections, compétences, mérites, ancienneté, beauté, courage, etc... Tant que le chef est là, il n'y a pas de problèmes entre eux. Par contre si les causes sont différentes il n'y a plus de relations stables dans ce champ entre militants. En effet, les causes différentes deviennent des cohérences différentes. Dans ce cas comme toujours, soit il n'y a pas de relation, on s'ignore (difficultés classiques de communication entre chapelles) soit la relation s'établit dans un autre champ (dégradation par exemple, ce qui fait le conflit ou la guerre).

Pour que des "militants" se solidarisent, il faut qu'ils fassent "cause commune", c'est-à-dire que s'instaure une cause plus large avec un leader général. Les relations symétriques en positions basses s'expriment selon des modalités du champ de la conquête. Se forment des équipes qui agissent dans l'intérêt de la cause selon la distribution des rôles des militants. Il s'agit de bien jouer le jeu. Les règles du jeu quelqu'il soit, comptent bien plus que ce qui est vécu. Les règles sont celles des réalités et c'est ce qui importe. Le droit est particulièrement important dans ce champ parce qu'il règle les rôles, statuts et jeux des acteurs. On leur demande avant tout de la droiture mais toujours en référence exclusive aux règles du jeu, critères de la cause. En dehors de cela tout est possible, la fin justifie les moyens (dans le cadre des règles établies).

Un problème tout à fait particulier se pose pour les relations symétriques entre deux chefs-vedettes. Si l'un est militant de la cause de l'autre tout en ayant ses propres militants dans une hiérarchie, on se retrouve dans une relation complémentaire. Par contre sur la même cause il ne peut y avoir deux N° 1, il y en a un de trop. De ce fait il ne peut jamais y avoir deux leaders dans ce champ dans la même situation, en relation sur la même cause. Sinon on se retrouve, soit dans le cas précédent, soit dans un conflit dans le champ de la dégradation, soit dans le meilleur des cas avec un partage jaloux des territoires et l'instauration de deux causes différentes.

C'est le cas par exemple où deux experts se rencontrent qui veillent à se définir des champs de compétence bien distincts. Cela peut être deux artistes-vedettes qui se trouvent des inspirations et des publics différents.

Si ce découpage des causes n'est pas possible, on va avoir une rivalité incessante où le meilleur va gagner (selon les "électeurs") ou qui va tourner à la lutte destructrice. Ayant noté ce qui se produit entre deux N° 1 dans l'impossibilité en tant que tels d'établir une relation, reste à comprendre ce qui leur reste comme possibilité dans le même champ de la conquête pour communiquer. Le découpage des causes évite l'affrontement mais comme aussi la communication (plus de cohérence commune) ce que l'on voit émerger alors c'est une nouvelle cause-commune cette fois "supérieure". Par exemple morale, religieuse, idéologique.
Deux vedettes sportives se feront militants de "l'esprit olympique" ou du sport. Il est remarquable alors que cette cause suprême est sacrée. Elle est tellement idéalisée qu'elle est intouchable et même indéfinissable pour des tiers non impliqués directement dans la relation. Dans une entreprise entre deux cadres ce peut être l'intérêt supérieur de l'entreprise mais une entreprise idéalisée.

b- 2 - Vision du problème de la communication

Dans ce champ de la conquête les questions de Sens restent inconscientes. Tout s'analyse "objectivement". Les personnes sont des individus, objets, définis par leur rôle, leur position, leur statut, en référence à une ou des causes, mais jamais en eux-mêmes. Les interlocuteurs se considèrent toujours es-qualité. Ce sont deux cadres, deux médecins, deux personnes âgées, etc... Le qualifiant dépend de la cause pertinente dans la situation. Ce qui compte, c'est l'identité (identique à...) de cette cause (culture, classe sociale, milieu, profession, idéologie, modèle de vie, règles morales, stéréotypes, etc...).

La dimension personnelle de la communication se réduit à cela. On ne s'adresse pas à quelqu'un mais à ce qu'il représente. La dimension fonctionnelle se réduit à sa part objective. Il n'y est pas question de Sens et de cohérence, mais de codes et de messages. La communication devient parfaitement synonyme d'échange d'informations, de données (de toutes natures). Une théorie de la communication se réduit à la théorie de l'information. Faute d'être conscient du passage par K et K', on est obligé d'inventer des passages entre S et R (boite noire, quantités d'informations véhiculées...).

Un des problèmes de communication classique dans le champ de la conquête est le suivant. Des liens se distendent entre un chef vedette et des militants (un chef d'entreprise et son personnel par exemple). Ceux-ci inquiets réclament un rappel de la "cause" et de la présence de chef comme bon représentant. Ils veulent être reconnus par lui comme bons militants. Rien de tout cela ne s'exprime sauf une demande d'information. Plus cette demande d'information est objectivement satisfaisante et moins on répond à la demande réelle. Même si des données objectives sont distribuées il n'y a pas satisfaction puisque ce n'est pas la véritable demande.

Dans ce champ de la conquête on parle d'autant plus de communication que la plupart des réponses fournies ne tiennent compte que de l'aspect formel, des apparences, des réalités, et échouent faute de Sens. Cet échec lui-même y est d'ailleurs incompréhensible (faute de Sens). De là fleurissent des spécialistes militants ou vedettes de la cause de la communication (publicité, journalisme, média, informations et informateurs). Plus il y en a et moins ça communique, sur le fond, sur le Sens, sur l'humain, et plus on veut de communication. La dimension situationnelle fait que sont privilégiées les "scènes" ou ce champ de la conquête est le plus manifesté. On reviendra sur ces univers privilégiés où s'épanouissent ce type d'identités.

Dans ce champ les questions de communication sont valorisées et réduites aux réalités. Leur Sens reste inconscient (Sens du champ de la conquête ici). Les communications s'y caractérisent de plus en plus par un écart entre ce qui se dit, s'exprime, se montre, et ce qui se passe réellement. Il tend à y avoir deux réalités. Celle qui est conforme aux modèles, aux causes ou idéologies et celle, non consciente, des faits. Paradoxalement on y cherche l'objectivité, le concret, le pratique, l'action ; il y a en fait abstraction du Sens. Ce qui se passe tend à être remplacé par ce qu'il devrait se passer dans la conscience des personnes. Les signes remplacent les choses et on en vient à "faire comme si". Comme si on communiquait notamment.
On y survalorise l'expression pour combler le manque de Sens. La solution est toujours à côté du problème véritable.

Les mots clés pour une communication concevable pour ce champ sont : exprimer, montrer, démontrer, imager, dire, faire, imiter, copier, informer, exposer. Ils sont tous utiles à la communication mais sans qu'en soient connus ici les processus et donc le fonctionnement véritable. De ce fait, faute de Sens il est difficile de se faire comprendre sauf en simplifiant et en vulgarisant. C'est souvent l'art de "spécialistes" de la communication qui retiennent d'autant plus l'attention que peu est communiqué derrière un vaste discours. Le Sens de ce qui est dit est à chercher moins dans le discours, dans ce qui se montre que dans la mise en scène du discours qui révèle le jeu d'identité. L'expert par exemple prononce un discours sur sa spécialité dont le Sens véritable est : "qu'il est le meilleur de sa spécialité".

b-3 - Les univers de la conquête

Ces jeux d'identités, chef-vedette-modèle / militant, avec leurs causes, se jouent dans des circonstances, des univers particulièrement appropriés. Ces univers sont d'ailleurs faits de ces mêmes Sens par et pour ces types d'identités.

Citons en quelques uns. D'abord la culture occidentale pour une grande part, scientifique, matérialiste, objectivante (en crise aujourd'hui nous sommes en 1980) faite d'institution de jeux sociaux, d'enjeux, d'idéologies, de modèles qui correspondent à ces champs. Compétitions de toutes sortes, questions d'identités et leurs panoplies, institutionnalisation, causes petites ou grandes, développement et progrès, conquête de la lune, etc... Elle a ses vedettes et ses militants.

Beaucoup d'institutions favorisent ce champ, compétitions et spécialisations dans l'enseignement, découpage des taches dans l'entreprise, hiérarchisations dans des institutions militaires, religieuses, sociales, etc... Les thèmes de l'esprit d'équipe, l'esprit sportif, l'efficacité, le dévouement, la responsabilité (démocratique), sont porteurs de ces Sens dans l'entreprise, le sport, des institutions sociales, les domaines de l'art, du politique. Partout où le spectacle ou le dépassement comptent particulièrement. Un sport pratiqué sans spectateurs, sans compétitions, sans records, n'aurait plus le même Sens. Un cadre sans équipe, sans compétence particulière, sans évolution de carrière, perdrait toute motivation (dans la conquête). Vedette sans militants ou militants sans chef ou les deux sans causes et on change de champ. Par contre où les trois sont réunis on est dans un univers de la conquête.

b - 4 - Considérations théoriques et contextes

Ce passage peut être laissé de côté par tous ceux que les références théoriques ne concernent pas.
Ces références on les cherchera dans l'histoire individuelle comme l'histoire collective où se fondent ces tendances caractérielles favorites et ces situations sociales privilégiées. Elles peuvent être ainsi de types psychologiques ou mythologiques, historiques ou culturelles. Nous ne prétendrons pas ici faire le tour du problème mais en donner quelques aperçus essentiels. Le lecteur pourra lire à la suite ce même paragraphe pour les quatre champs et découvrir ainsi un panorama pour la carte générale des cohérences.

Tout le champ de la conquête est à dominante phallique. La représentation s'assortit d'une identification de soi avec le moi : images ou représentation de soi pour soi et / ou les autres. Cette dominante phallique peut s'y confondre avec la virilité. En tout cas le domaine où culturellement apparaissent le plus ces situations sont dominées par les hommes (entreprises, sports, politiques, etc...) Cependant cette tendance de la conquête est aussi bien présente pour des femmes, dans des comportements, soit du même type que précédemment, soit ceux qui valorisent l'esthétique corporelle, la mode. La star peut être aussi bien une femme qu'un homme. Les mouvements féministes sont souvent de revendications phalliques (et non pas viriles). Une femme peut être très souvent "vedette" dans une relation affective avec un homme "militant" ou vice versa. Tout cela n'est pas sans donner quelques ambiguïtés dans ce champ. On trouve des femmes militantes féminines dans de nombreuses fonctions d'assistance ou sociales, mais aussi dans le rôle classique dans la famille bourgeoise.

Revenons à des aspects plus fondamentaux en notant l'équivalence entre les tendances phalliques et l'objectivation, la distinction, la distanciation qui caractérisent ce champ de la conquête. Le triangle, chef-vedette-modèle/militant/cause n'est pas sans rappeler le triangle oedipien.
De fait la cause est une représentation de la mère idéalisée dans l'espace, le territoire, le nombre. Idéalisée, elle est intouchable, sacrée aussi comme toute cause. Il n'est pas surprenant que l'on représente la république par une femme comme bien d'autres causes auxquelles sont attribuées des vertus féminines idéales. La patrie, mère idéale en est un exemple, mais l'entreprise aussi et bien des institutions.

Avec le père, chef/vedette/modèle, il y a support d'identification mais on peut s'interroger sur celle qu'il opère avec la cause. Il y a confusion viril-phallique lorsqu'il s'agit d'un homme notamment. Le militant est le fils. La fraternité est bien un aspect de l'esprit d'équipe des militants. L'organisation de la conquête fait dans tout cela la négation du conflit oedipien en objectivant les positions et les identités mutuelles. Les objectiver revient à les réduire à la réalité, à la représentation. Ce qui se joue est bien représentation devant la cause-mère. Cette absence de conflit fondant ce champ se retrouve dans les autojustifications de défense contre le mal, le chaos, le désordre, la faute, etc...

Elle se traduit dans des expressions de complicités masculines, d'"esprit" d'équipe, de fairplay, de justice (et non de justesse), dans la nécessité d'arbitrage, du droit, des règles de référence, de la monnaie comme objectivation de l'échange, sa neutralité donc, dans les formalismes de toutes sortes. Le respect de la règle (de la loi) prime tout. C'est la condition de l'absence de conflit. Il est remplacé par une "saine compétition" qui en est l'objectivation a-Sensée. La mythologie est pleine de héros qui, après avoir vaincu quelque dragon, conquièrent la belle avec qui ils se confondent dans la fin de l'histoire. La belle est toujours idéale et peut être déjà une cause ou un espace particulier. La mythologie rejoint là l'histoire. Elles sont pleines de souverains, de chefs, de rois, mais aussi de grandes causes ou grandes entreprises que ce soit quête du Graal, quête scientifique, quête économique, quête féminine. Les armes et outils avec leurs avatars modernes dans la technologie sont signes phalliques notamment comme représentations et comme instruments de séparation du bien d'avec le mal. Il s'agit là d'instruments de construction, d'élection, de distinction. L'instrument est souvent confondu avec soi dans le moi. L'identité est un souci majeur et, là aussi, de construction, d'élection, de distinction, de séduction aussi. Le séducteur qui affiche les signes de sa réussite sociale (belle voiture, etc...) suit parfaitement le schéma. Les signes de réussite, de distinction, lui font identité dont la représentation vise à conquérir la femme. Il s'agit bien d'ailleurs de la femme au-delà de telle personne en particulier. Le donjuannisme est un type de comportement de la conquête homologue de beaucoup de ses jeux d'identité.

Historiquement la renaissance et en particulier le XVIIe siècle marque la dominance de ce champ sur un support culturel déjà présent en particulier avec le siècle de Péricles d'une part et la splendeur romaine d'autre part. Que le droit romain soit encore présent pour nous est significatif. L'émergence et la dominance d'une bourgeoisie au cours des derniers siècles a fait prévaloir beaucoup de ces tendances.

On peut remarquer qu'aujourd'hui elles imprègnent très largement notre culture si bien que beaucoup n'en conçoivent pas d'autres alors que simultanément émergent fortement d'autres tendances. Cela fait crise. Il est très étonnant de constater que ce que l'on appelle la crise touche de façon privilégiée quelques signes caractéristiques du champ de la conquête (économie, énergie, valeurs, production, territoires conquis, images des grandes puissances, droit international) sans compter l'étonnante origine de la "crise" en 1973.

Tout ceci semble éloigner du thème des jeux d'identité, cependant cela compte comme circonstances de beaucoup de communications contemporaines et cela peut intéresser d'en voir les évolutions actuelles dans les nombreux changements qui se produisent aujourd'hui. Rapports au travail, aux hiérarchies, aux "causes", à l'identité sociale, à la science, à la nature, sont en question et amorcent une évolution de comportements et des types de relations et de communication.

c) Champ de la dégradation



Nous entrons là dans un tout autre univers qu'il ne faut pas confondre avec le précédent. Les limites n'en sont pas tranchées et il sera utile plus loin d'examiner les transitions autour des axes. En tout cas le champ de la dégradation n'est pas celui de la conquête bien que certaines sensibilités pourraient les confondre.

c-1 - Les deux types d'identités

Pour la position haute le terme retenu est DOMINATEUR. Le dominateur est celui qui exerce un pouvoir sur l'autre. Le dominateur est le plus fort ou celui "qui tire les ficelles". Cette dernière expression évoque les "pantins" qui sont en haut.

Le dominateur tend à exercer son pouvoir sur les autres et sur les choses. Il les a en main, les maîtrise, les manipule non dans des fins constructives (même si cela est dit) mais pour empêcher, pour combattre, pour maintenir.

Pour fonctionner le dominateur a besoin de VICTIMES. La victime correspond à la position basse. Elle a toujours le dessous, est toujours rabaissée dans la relation avec le dominateur. Par rapport à la conquête où les apparences comptent essentiellement, ici c'est le fonctionnement de la relation qui fonde les deux types d'identités. Les apparences y sont souvent trompeuses. L'inconscience règne.

Le dominateur exerce son pouvoir selon plusieurs modes, notamment la force, la menace, le chantage, la manipulation, la culpabilisation. Les stratégies sont multiples.

En position haute le dominateur se considère comme détenteur du bon droit, de la loi, d'une mission qui consistent à empêcher l'autre de nuire, la victime. Il est ainsi conduit à la contraindre, la punir, lui rappeler ses fautes, la mettre dans le droit chemin, malgré elle bien souvent. Cela s'opère en amputant ce qui est mauvais, en enfermant dans des cadres, des "gardes fous", en excluant les "mauvais sujets", en éliminant ce qui est "sale", ce qui "dérange", ce qui "menace" un ordre quelconque.
Bien-sûr c'est le dominateur lui-même qui se vit au fond en danger (plus ou moins consciemment d'ailleurs). C'est pour cela qu'il s'autorise en quelques noms que ce soit à défendre (se défendre). L'élimination des dangers ou la protection contre le mal est sa tâche permanente. Sans issues puisque la menace est en lui-même et sa lutte est toujours vaine, à recommencer. Cette tendance a toutes ses nuances et ses degrés. Elle correspond aussi au sadisme. Le pouvoir de destruction exercé sur l'autre s'assortit d'une satisfaction, d'un plaisir, d'une délectation qui sont surtout perversion de sa propre souffrance. Le dominateur n'est jamais en repos et il lui arrive quelquefois de s'en plaindre. On trouve là d'ailleurs une caractéristiques intéressante : le dominateur se dit victime et c'est comme cela qu'il fait l'autre victime en l'accusant (plus ou moins subtilement) d'être dominateur. Ce qui se dit est l'inverse de ce qui se passe.

Le dominateur agit sur l'autre, soit sur son Sens, soit sur ses réalités. Sur ces dernières il détruit, met en échec, élimine, anéantit ou encore il impose par des pressions efficaces les formes qui lui conviennent.

C'est quelques fois là que prennent Sens formation et information, la "correction" est bien isomorphe de punition, c'est toujours une tentation d'élimination des fautes, du mal, des erreurs. Le souci exagéré de l'ordre en est une manifestation, mais aussi la certitude en toute matière dont il ne faut pas douter. Si la caricature du dominateur est celle de quelqu'un qui donne des ordres (impose un ordre) c'est qu'elle est bien isomorphe de cette identité. Une autre est celle du bourreau qui punit (élimine le mal). Toutes les éradications du mal sont l'essentiel de l'activité de beaucoup de dominateurs, sans doute, bien-sûr, sur leur droit et leur jugement.

Le dominateur peut aussi détruire le Sens soit en disqualifiant celui de la victime, soit en imposant son propre Sens. On trouve alors tout ce qui peut éveiller chez l'autre angoisse, culpabilités, etc... Les instruments sont d'ordre moral souvent avec accusations et menaces de jugements. Le dominateur met en doute l'autre qui doute de ses Sens, il est affolé (et peut devenir fou d'ailleurs). Il le maintient dans l'incertitude de ses connaissances, de sa puissance, de son jugement, en jouant sur le secret, le caché, l'occulte, et son supposé savoir ou supposée puissance. De cette manière il maintient l'inquiétude et la soumission. Il impose aussi ses Sens par des viols affectifs ou émotionnels (physiques à la limite). Le chantage affectif en est un bon instrument de même que le jeu des passions. La panoplie est fort variée et ses subtilités inépuisables. C'est malheureusement le règne de l'inconscience, du faux semblant, des faux Sens, des fausses apparences et, de ce fait, pas toujours très facile à repérer. Cependant cela se caractérise toujours par des souffrances, des malaises, des luttes, des inquiétudes et des angoisses.

L'étonnant peut-être, est que les cohérences en jeu sont celles aussi des victimes. C'est ce qui explique la stabilité de ces communications malgré les souhaits ou les apparences différentes. Ce qui se passe dément ce qui se dit. Chacun connaît de ces relations interminables qui ne sont faites que de conflits.

La victime est toujours complice de la situation qu'elle la subisse en l'acceptant ou qu'elle la provoque. La position de la victime de l'axe NON-ETRE consiste à placer dans l'autre, le dominateur, le lieu de sa propre existence. C'est pour cela qu'il en accepte (inconscient bien-sûr) le pouvoir.

C'est par ses sentiments personnels d'insuffisance, d'insécurité qu'il peut être touché par les comportements du dominateur qui, sans cela, ne pourrait fonctionner ainsi. Une des caractéristiques des attitudes de victime est la revendication. Revendiquer est, bien souvent, attribuer à l'autre, le dominateur, le pouvoir de satisfaire ses propres besoins, d'être protégé, de suppléer en tout cas à des insuffisances. En activant l'inquiétude du dominateur, ses propres sentiments d'insécurité, la revendication est très souvent provocatrice. Elle donne pouvoir au dominateur et en suscite l'exercice. La critique (non "constructive") opère de la même manière. La victime peut aussi provoquer plus directement en agressant le dominateur. Dans tous ces cas la victime se présente comme dominatrice et ce qui se passe est l'inverse. On retrouve encore l'inversion de Sens qui fait que l'on s'y perd facilement. C'est le but.

Lorsque le dominateur se dit victime, il réactive des culpabilités chez la victime qui se soumet ainsi. Lorsque la victime se dit dominatrice, elle réactive des insécurités chez le dominateur qui se défend et agresse plus efficacement.

Ces rapports dominateus-victimes se déroulent et font les situations du champ de la dégradation. Conflits, guerres, entreprises en difficultés, échecs, maladies physiques et mentales, enfermements, exclusions, bas fond. Les individus se dissolvent dans l'anonymat, dans la masse et les protagonistes perdent, et leur identité, et leur personnalité (numéros et instruments). Cependant là aussi les apparences sont trompeuses. Beaucoup de réussites matérielles peuvent cacher des pertes de Sens, pertes d'âmes, folies... Inversement des choses très Sensées, très intelligentes peuvent cacher décompositions, maladies ou dénuements.

Revenons encore sur la relation complémentaire dominateur-victime (ou sado-masochiste comme caricature). Son Sens est la dégradation et derrière tous les jeux, le dominateur craint et attend secrètement d'être puni et la victime de détruire son bourreau. De ce fait l'écart des rôles a néanmoins même cohérence, même Sens. Cela en fait la stabilité mais aussi les possibilités d'inversion. En effet il y a, même entre deux personnes quelquefois, des échanges de rôles, ou encore d'anciennes victimes qui deviennent comme par hasard de parfaits dominateurs et vice versa. On trouve aussi des hiérarchies (ce qui compte là, c'est plutôt l'ordre que l'élévation, la descente plutôt que la montée, descente des ordres) où le dominateur a un subordonné victime qui à son tour domine les siens, etc.. Le bourreau est le serviteur soumis et servile du maître qui le domine. On en trouve exemples avec les "petits chefs" mais aussi bien des caricatures d'esclaves gardiens, de kapo. Quelquefois aussi la pyramide s'inverse et c'est le patron qui est la véritable victime des subordonnés et ce, du haut en bas de l'échelle.

Examinons maintenant ce que peuvent être les relations symétriques, Dominateur-Dominateur.

Le passage à la relation complémentaire où l'on devient victime et dominé par l'autre plus fort (ou plus rusé que lui) se ramène au cas précédent. Elle peut consister en une phase d'ajustement de la relation complémentaire où on se combat jusqu'à ce que la balance penche d'un côté. La relation dominateur-dominateur stable est par définition sans issue de type vainqueur-perdant. Elle consiste en combats en luttes de destruction mutuelle qui maintient l'équilibre entre les forces. Il s'agit de faire mal sans détruire l'autre plus qu'on ne l'est soi-même. C'est un jeu de lutte où tout le monde tient tête et le combat ne cesse que faute de combattants, tous épuisés. Cette relation dominateur-dominateur peut se jouer selon toutes les modalités de fonctionnement de ce type d'identités et notamment en ce disant victime. Si bien que beaucoup de communication critique, revendicatrice ou faisant assaut de malheurs, de maladies, de difficultés sont de ce type. On sait bien leur caractère peu constructif, on sait moins le caractère destructeur de l'autre et de soi-même comme son symétrique. Deux amoureux peuvent ainsi mourir de leur échec mutuel et se faire mourir mutuellement. La littérature est pleine de ces amours passions-destructrices, la vie aussi. Le coupable est désigné dans la société ou ailleurs. Ils se manifestent comme victimes l'un de l'autre et les deux de ce "coupable" là. En fait ils sont dans cette relation dominateur-dominateur. Ils rendent l'autre et les autres impuissants à y changer quelque chose. Ce scénario est extrêmement fréquent dans bien des cercles critiques, révolutionnaires, revendicatifs ou dans des relations affectives. C'est un jeu où seuls les protagonistes se portent préjudice si on ne s'en mêle pas.

Un scénario de ce type, décrit dans l'analyse transactionnelle est celui d'un couple considéré comme dominateur victime où un tiers intervient comme sauveur de la victime.
Aussitôt il devient victime à son tour et le dominateur sauveur. L'analyse de ce scénario classique serait pour nous différent. Le couple dominateur-victime est en fait dominateur-dominateur. Le tiers leurré vient prendre la place naturelle qui lui est réservée, celle de véritable victime. En fait ce qui se produit c'est que les dominateurs substituent à leur lutte une alliance contre le tiers et on a la même cohérence entre le couple dominateur et le sauveur-victime.

L'inverse est vrai aussi ou un sauveur apparent devient dominateur d'un couple victime. C'est tout le problème du règlement des conflits à la mode dans certains milieux qui bien trop souvent se ramènent à ce schéma. Dans le premier cas l'intervenant est victime de ses "bonnes volontés" en fait "il l'a bien cherché". Dans le second il est intervenu dans l'autre relation symétrique victime-victime et là aussi il l'a bien cherché, à prendre une position de type sadique.

Examinons cette relation symétrique victime-victime. Compte tenu du fait que dans ce champ, ce qui se dit, se montre, n'est pas ce qui se passe, il faut chercher là où on ne s'y attendrait pas forcément. Ce n'est pas chez ceux qui se lamentent qu'il y a forcément les victimes (la conclusion inverse serait aussi une erreur bien-sûr. Les opprimés peuvent se plaindre effectivement mais ce ne sont pas forcément eux qui le font le plus fort). Une relation victime-victime est une relation de soumission mutuelle. Au lieu de faire assaut de critiques par exemple ils feront assaut de dissimulations des problèmes ou assaut de serviabilité et de dévouement mutuel. Une relation victime-victime peut-être aussi une relation de provocation mutuelle qui consiste à menacer de forces que l'on a pas. C'est l'impuissance qui est dissimulée par son contraire. Les victimes s'auto-détruisent dans leur relation et se réactivent mutuellement. Les bandes de jeunes délinquants fonctionnent beaucoup sur ce type de relations et à force de provocations mutuelles finissent par se faire punir par un tiers. Deux enfants qui se bagarrent devant leurs parents cherchent dans un jeu victime-victime à attirer l'attention de ces derniers qui risque de venir avec une taloche.

La relation victime-victime n'est pas forcément très spectaculaire, pas très facile à repérer, ne serait-ce souvent que par sa banalité.

c-2 - Vision du problème de la communication

Dans ce champ la communication est signe de menace, menace de manipulation, menace physique ou affective, menace d'erreur, de tromperie. La communication est suspectée. Elle se confond avec l'information, avec des rétentions, où recherche d'information est synonyme de recherche de fautes et de coupables (les responsables). Poser une question dans ce champ, c'est mettre en doute ou prendre un risque. La communication est synonyme de pouvoir. Il y a ceux qui ont droit à la parole et les autres qui s'expriment quand on les y autorise et ne doivent dire que ce qui est autorisé. En définitive, la communication est vécue comme obligée ou empêchée. En fait, dans ce champ, ce qui se dit ou s'exprime est bien souvent l'inverse de ce qui se passe. Le manifeste a pour fonction d'occulter ce qui se passe. Les uns agissent "pour le bien" des autres, d'autres pour leur avenir et leur réussite et tout ça dissimule la domination des victimes. Le jeu des promesses est tellement subtil quelquefois qu'il vaut mieux croire à ses intuitions, ses sensations, qu'à tout ce qui est dit.

K et K', cohérences de la dégradation, se manifestent ainsi dans cet écart entre ce qui se passe et se dit mais aussi par tout le jeu de coups qui font mal à soi ou à l'autre et, enfin, par le déjouement du Sens de celui qui voudrait comprendre logiquement. Un signe dément l'autre et met en doute les perceptions ou les sentiments du protagoniste.

Le fonctionnement de la communication lui-même exprime ces cohérences dans ce qui se produit comme dysfonctionnement. On rejoint d'ailleurs là ces difficultés de communication dont il a été question au 1er chapitre. Malgré ces dysfonctionnements il y a toujours communication. C'est souvent l'échec d'un ajustement dans d'autres champs qui se résout à un conSensus dans ce champ de dégradation. Mieux vaut quelquefois pour certains une mauvaise communication que pas de communication du tout. C'est ce qui justifie notamment la stabilité de ce type de relations. Elles se caractérisent en outre par une inconscience particulière assortie à une multiplication de pièges et faux semblants. Les partenaires de ces jeux d'identités voient en plus les choses de la couleur de leur cohérence personnelle, de ce qui se passe et de la situation. Tout se ligue ainsi pour les enfermer dans le même fonctionnement. C'est le cas bien sûr de tous les champs selon le principe de stabilité mais aggravé là par un degré d'inconscience particulièrement fort, et sur les réalités et sur leurs Sens. Les attitudes que l'on rencontre le plus fréquemment face aux problèmes de communication consistent soit à les nier ou les ignorer, en les déplaçant éventuellement, soit au contraire à beaucoup en parler en les brandissant comme une menace, une accusation ou une autocritique. En tout cas cela sert à renforcer le Sens de la dégradation, c'est-à-dire dominer ou subir. De ce fait, dans ce champ, il vaut mieux éviter de se leurrer sur tous les discours qui sont tenus ou leur absence, même sur le thème de la communication.

c-3 - Les univers de la dégradation

Ces situations de communication et ces jeux d'identité se rencontrent partout où domine la souffrance et les malaises. Pas forcément d'ailleurs où on le dit. Il faut à ce propos bien distinguer les discours de la conquête qui parlent ou mettent en scène des signes de la dégradation mais dont le Sens n'est qu'un effet de dramatisation favorisant le spectacle, sa vedette et l'engouement du public. Voir un film de guerre n'est pas la guerre. Par contre la guerre est bien sur une situation de dégradation. Que cette guerre soit chaude ou froide qu'elle soit visible ou cachée, elle détruit les protagonistes. Bien des exemples montrent la pseudo victoire du vainqueur. D'autres situations larges sont celles des dictatures, qu'elles soient fascistes ou collectivistes, les fondements n'en sont pas les mêmes mais leurs Sens se rencontrent. Pour venir aux situations plus banales et moins reconnaissables quelquefois il faut citer les entreprises et les institutions où se posent des problèmes de réalités matérielles, économiques ou des problèmes de Sens, finalités, rapports humains, direction, climat, menaces...

Le cas est assez fréquent. Au lieu de chercher des raisons extérieures, il faut toujours un coupable. Il vaudrait mieux examiner les jeux d'identités, conséquences mais causes aussi de la situation. Malheureusement le champ de la dégradation n'est pas celui de la clairvoyance mais de l'occultation. Dans le monde des institutions les conflits catégoriels permanents en sont aussi le signe là encore comme conséquence mais aussi comme causes.

Les complicités inconscientes syndicat-patronat ne font pas défaut quelquefois pour perpétuer les Sens de ce champ dans d'habiles jeux d'identités symétriques ou complémentaires. D'autres institutions ayant pour finalités la contrainte, le contrôle dans le Sens de ce champ, ou même la sécurité "obligatoire", y fonctionnent volontiers. Y dysfonctionent devrait-on dire. Il n'est pas utile de citer des exemples d'institutions en perpétuel dysfonctionnement, et qui durent. Ces organisations favorisent ces jeux d'identités mais leurs recrutements n'en sont sans doute pas toujours exempts. Parmi elles, certaines peuvent recruter beaucoup de dominateurs d'autres beaucoup de victimes, ou les deux.

Des organisations aux fins charitables n'en sont pas non plus absentes et on trouve dans ce champ des lieux où l'apaisement des souffrances se transforme en éradication du mal et, disent les mauvaises langues, du malade avec le milieu hospitalier, psychiatrique ou non qui n'est pas toujours un modèle par la qualité des relations humaines.


D'une manière plus générale, les situations de dégradation proviennent souvent du réveil de difficultés ou de tensions par l'échec d'un ajustement dans d'autres champs. L'impossibilité de la présence de deux N° 1 sur la même cause amène parfois un "combat des chefs" qui entraîne celui des militants et le territoire devient champ de bataille. C'est vrai aussi si les militants perdent un chef et donc la cause qu'il représente. Leur démoralisation en fait des victimes désignées. Les militants de causes différentes, si elles empiètent l'une sur l'autre, peuvent faire de belles bagarres ou des conflits larvés.

L'échec des conquêtes peut aussi s'y retrouver. Du champ de l'involution on verra plus loin les sources possibles pour la dégradation.

Ce sont bien souvent les remises en question qui réactivent l'insécurité et la dégradation ou encore des caractéristiques personnelles qui font confondre ce champ avec un de ses deux voisins.

c- 4 - Considérations théoriques et contexte

Le champ de la dégradation et les dimensions personnelles qui s'y activent et réactivent touchent beaucoup et pas de façon toujours très claire. On n'aime pas toujours non plus reconnaître l'existence de ces situations et certains les nient là où elles sont proches d'eux. C'est peut-être l'occasion d'y porter une attention particulière non pour s'en délecter, mais peut-être en démystifier les procédures et en tout cas éviter de s'y laisser prendre si on le souhaite.

Le champ de la dégradation se trouve dans la carte des champs au croisement de deux des stades de développement chez l'enfant : le stade oral qui couvre involution et dégradation, le stade anal qui couvre dégradation et conquête. Ce ne sont que des appellations dont le Sens ne résulte que de l'isomorphisme avec leurs manifestations.

La dimension orale dans la dégradation se traduit notamment par les angoisses de dévoration, de démembrement. C'est le domaine de la mauvaise mère avec les représentations d'étouffements et d'enfermements. Toute une énorme part de la mythologie et des rituels qui l'accompagnent, décrivent ces fantasmes angoissants en particulier dans toutes les religions polythéistes ou dans celles où la principale déité est féminine. Les mythes modernes angoissants comme ceux de la jungle, la nature sauvage, la technologie, l'informatique y sont fondés.

La dimension anale se manifeste particulièrement dans les rétentions, le souci exagéré de l'ordre mais aussi des fantasmes meurtriers et sadiques. Elle se manifeste dans la production de matières isomorphes aux matières "premières" de l'enfant, l'accumulation d'objet mais aussi la destruction du Sens dans l'objectivation (la conquête ne fait que l'ignorer). L'objectivation des êtres réduits de force à l'état de numéro, d'objets, de chair comme dans le "meilleur des mondes" ou dans le fascisme Hitlérien (ou d'autres) est une réduction de l'homme à l'état de matière. Matière première pour la production d'où l'ambiguïté est aussi celle de la revalorisation actuelle du corps. Même si elle se justifie par ailleurs, elle contribue quelquefois à cette "matérialisation" ou la différence avec le déchet n'est pas très sûre.

Une autre manifestation se trouve dans ce qu'on appelle la massification des foules. Le social valorisé par la conquête tend ici à "prendre en masse" dans l'anonymat des personnes dont l'être est nié au profit du collectif massifié.

Une autre manifestation dans le champ de la dégradation est celle de l'argent, soit accumulé, sale, soit l'argent qui manque et que l'on ne cesse de consommer.

La dégradation est aussi le champ de la chute avec la "faute originelle" où se manifeste le père. Le mauvais père, menaçant, mais aussi menacé sous-tend ce champ là. La représentation du pouvoir dominateur en est une forme très actuelle qui suscite bien des vocations et des révoltes. Entre les deux, la même cohérence favorise la communication et même l'échange des rôles. Après un dictateur, une révolution amène souvent au pouvoir un autre dictateur. Ce n'est pas un hasard, c'est une cohérence. Les opposants bien organisés fonctionnent sur des schémas étrangement similaires à ceux qu'ils dénoncent. Seuls les discours changent, et encore... Une autre domaine dans ce champ de la dégradation est celui des perversions en particulier celle qui donne comme idéal amoureux dans la littérature une passion destructive ou mise en échec. Le macho comme la femme fatale en sont des figures inversées mais de même Sens.

La crise du champ de la conquête se traduit par quelques réémergences dans ce champ en particulier pour ceux qui y étaient les plus impliqués : monde économique, intellectuel, sportif, politique, religieux, institutions partout où la crise est vécue comme une perte ou une mise en question des valeurs du champ de la conquête. Ses dysfonctionnements deviennent fonctionnement dans la dégradation. Pas toujours, heureusement, et surtout pas fatalement.

d) Champ de l'Involution



Un peu plus de sécurité et de calme maintenant avec ce champ et ses situations. En commun avec la dégradation l'axe BAS, le détermine. Au milieu d'extériorisation et négation du Sens on passe à Intériorisation comme émergence du Sens. Le champ de l'involution est dominé par les questions de Sens mais avec une certaine négation des réalités.

d-1 - Les deux types d'identité

La position haute vers l'axe ETRE est qualifiée de "MATERNANT" qui, comme son nom l'indique est maternel dans ses rapports à autrui. Cela ne veut pas forcément dire féminin pour autant. Le MATERNANT apporte chaleur et protection. Ce n'est pas par dévouement mais par nature, même pas au nom d'une cause mais par aisance. Il est distributeur d'attention, de conseils, d'aides, de soutiens. Cette fonction de distribution est toujours vécue comme nourricière. Le maternant donne de la nourriture, des conseils ou de l'attention toujours pour nourrir. Il se donne en nature sans en souffrir (dans ce champ).

Le MATERNANT protège et en cela il entoure de sollicitude, de prévenance, d'attentions encore et ce faisant évite les difficultés et les conflits. Il écarte le danger (et réussit toujours). En outre, il rend service et se met en quatre pour faire plaisir. Compatissant il sait écouter les autres et ne manque pas de leur demander des nouvelles de leur famille, de leur week-end. Son approche des gens est très sécurisante et chaleureuse, il est toujours sympathique, tout en rondeurs, et cherche à mettre à l'aise. Il est aussi tranquillisant et de ce fait peut tendre à endormir la vigilance, à atténuer les tensions. Mais dans tout cela il évite à l'autre et à lui la confrontation aux réalités. Bien-sûr, beaucoup de parents, de mères notamment jouent ce type de rôle auprès de leur enfant et on sait que ce n'est pas au profit de l'enfant. Il est tellement protégé que sa confrontation aux réalités risque d'être très difficile. Pour le maternant tout va assez bien, il arrange les choses et tend à ne pas voir ce qui ressort des autres champs (ce n'est pas nouveau).

En particulier le mal comme les mobiles de la conquête lui apparaissent peu vraisemblables. il en nie les réalités. Sa confiance dans les autres, du moins leur Sens, est très importante, au moins en apparence. Un patron de ce type se considère comme responsable de ses employés qui sont là pour l'aider. Il les prend en charge et se soucie de leur distribuer régulièrement leur rémunération avec toujours quelques primes en plus. Il évite de trop leur poser de problèmes et se trouve lui-même très chargé. De toute façon il n'a pas d'ambition expansionniste`, mais vise la stabilité, la sécurité, le confort. Il est plus soucieux de bonnes relations que de conquêtes, de nouveaux marchés. Il ne rate pas une occasion pour organiser une fête, un "pot" et en définitive arrive ainsi à se faire aimer. C'est ce que vise le maternant dans tout ce qu'il apporte et ses prévenances. Il a tendance à approuver les autres et les conseiller.

La tendance d'identité complémentaire est de type ENFANT. Indépendamment de l'âge bien sûr, l'enfant attend et réclame satisfaction de ses besoins et de ses désirs. Il est guidé par sa recherche du plaisir, du confort, de la sécurité. Ce confort il le trouve dans le familier, la conformité, les choses petites. Une petite maison, avec un petit jardin, une petite voiture, etc..."small is beautiful" si ce n'était un slogan à la mode, bien conquérant, parlerait bien de ce que considère l'ENFANT. Sa recherche du confort lui fait prendre des habitudes rituelles et éviter tout changement dans son rythme de vie plutôt lent. Il cherchera dans son activité professionnelle la sécurité, l'ambiance sympathique, la régularité, le confort plus que la passion, l'argent, la carrière ou la soumission à une obligation. Il vit bien son train train quotidien et ne souhaite pas en changer. La recherche du plaisir, sensuel et affectif lui fait apprécier les choses de la table, simples mais copieuses et savoureuses, les matériaux à toucher ou à regarder l'activent beaucoup. Il y a d'ailleurs une forte sensibilité. Il aime rire, jouer moins pour distraire que pour le plaisir de la rencontre avec d'autres. Il a aussi tendance à rêver, au prince charmant ou à la belle jeune fille. Il rêve de vacances, de plages et de soleil mais aussi de projets de société communautaires. Ces rêves ne deviennent jamais réalité. Leur seule réalité en est le fantasme. L'ENFANT est peu critique à l'égard du monde ou gentiment. Il ne se sent pas concerné par les grandes causes ni par les luttes pour lui incompréhensibles alors qu'il lui suffit de jouir de son petit confort. Il tend d'ailleurs à penser que tout le monde est pareil et ignore les complications hiérarchiques.

Il communique favorablement avec son complément MATERNANT qui ne demande que ça. La communication est alors au delà des mots. C'est plus une question de confiance, d'affection, de chaleur que d'expression et d'information. Ce qui compte c'est la sympathie. L'ENFANT cherche aide, confort et plaisirs auprès du MATERNANT mais n'a pas besoin de beaucoup de démonstration. Il lui suffit qu'il soit là, à disposition. S'il ne sollicite pas assez, le maternant peut s'inquiéter et va le faire à sa place.

Cette relation est classique dans les couples familiaux avec d'ailleurs inversion des rôles entre l'homme et la femme selon les cas ou les circonstances. L'inversion se retrouve dans les hiérarchies qui sont néanmoins rarement développées dans ce champ. Le "responsable" prend en charge ses aides qui le lui rendent en cas de pépin.

Examinons maintenant les relations symétriques MATERNANT- MATERNANT d'abord. Tous deux en position haute, elles correspondent a beaucoup de discussions entre amis, entre parents où on parle des choses d'un ton parental, mais d'une manière positive. On parle pour se faire plaisir et pour se placer dans son rôle. Ainsi on parle volontiers des ENFANTS et on se reconnaît ainsi mutuellement comme MATERNANT. On peut ainsi entre "grands" (mais ce mot est petit ici) parler avec gravité de choses banales et sans problèmes. Sur ce processus, se déroulent beaucoup de ces conversations de couloir, en famille, entre amis, à la campagne. On ne cherche pas à briller, ni a critiquer mais simplement à converser. Cette conversation à deux peut très bien s'étendre sans problèmes à d'autres. Les sujets restent très proches de l'involution, on évite les thèmes délicats, compliqués, scandaleux et toutes les banalités sont bonnes pour alimenter ce plaisir. Un peu de thé avec des petits gâteaux ou un bon repas ne gâtent en rien la situation au contraire. De même les lieux confortables ou apaisants.

Les relations ENFANT-ENFANT sont plus remuantes, elles consistent en jeux qui déjouent les réalités pour en tirer plaisir. Les relations enfants-enfants sont plus directement d'expérience et de recherche de plaisir sensuel. A condition que toutes les précautions soient prises, on expérimente toute sorte de" voyages" mentaux ou sensoriels, on peut refaire le monde sans que cela prête à conséquence. On peut aussi privilégier une relation avec la nature dans la nature. La nature est d'ailleurs un substitut du MATERNANT comme de L'ENFANT, l'un et l'autre y trouve un partenaire pour "communiquer avec la nature" la protéger ou en être nourri. C'est l'une des tendances fondatrice de l'écologie. Dans les relations ENFANT-ENFANT, elle représente la présence maternante. De ce fait ces relations symétriques se trouvent particulièrement activées à la campagne, dans certains clubs de vacances, ou les lieux de vacances en général. Une certaine rusticité favorise la simplicité des rapports sous réserve de confort et d'abondance. Ces relations enfant-enfant se rencontrent bien sûr en famille mais aussi dans certaines attitudes professionnelles où les mobiles ne sont guère productivistes. La répétitivité sans cadences accélérées les favorise d'autant plus que quelques petits changements laissent l'impression de découverte et de jeu. La gratuité est toujours importante et il ne faut pas d'enjeux graves ou pressants.

d - 2 - Vision du problème de la communication

La communication ne se parle pas, elle se vit. Cependant ce que recouvre ce concept ici est limité au Sens et se trouve bien embarrassé des réalités. La communication y est une affaire de feling, de confiance, de sympathie, de tendresse, de sensibilité, de sensualité. Ce n'est pas considéré comme une question d'information, de message, d'expression. Tout cela étant bien compliqué. Ainsi les "problèmes" de communication y sont-ils peu compréhensibles. Telle qu'elle se déroule ce qui se dit ou se montre n'a pas beaucoup d'importance, ce qui compte est ce qui se sent. Par contre, la parole peut y être considérée comme un don et l'expression "distribuer de bonnes paroles" y a tout son Sens. Les paroles sont de conseils, des appuis, l'objet de jeux ou plaisanteries. Elles sont aussi futiles, l'ambiance et ce qui se passe au delà des mots paraissent plus importants. La communication entre les êtres est considérée comme immédiate, les mots et les signes sont presque en trop et on ne s'en soucie pas, la confiance et la bonne volonté sont sensées suffire. Elles ne suffisent que pour ce champ bien sûr.

Communication est aussi affaire commune, c'est ce qui relie, qui met en commun, en communication les êtres. C'est aussi ce qui en nie les limites, les distinctions, les différences. Le processus de communication est vu comme la relation naturelle entre les êtres au-delà de leur séparation et aussi de leur réalité.

c - 3 - les univers de l'INVOLUTION

Ils ont déjà été cités pour certains, mais il est bon d'y revenir. L'univers familial en est le modèle et on pourrait y reconnaître bien des situations privilégiées. Au passage, le rôle maternant est aussi bien tenu par l'homme que par la femme vis-à-vis des enfants ou du conjoint. Il faut noter aussi que quelquefois le rôle MATERNANT est dévolu à l'enfant et celui d'ENFANT au parent. Ce cas n'est pas si rare et intéressant à observer. Ce milieu familial est reproduit dans bien d'autres circonstances. Quand l'entreprise devient "la maison" on retrouve ces cohérences. C'est vrai aussi de beaucoup d'institutions qui prennent en charge leurs membres avec beaucoup d'assistances. Les associations de toutes natures sont très souvent la reproduction de milieux chaleureux familiaux à la fois ouverts et fermés. Ouverts pour ne pas être trop cloisonnés, le nombre évite les distinctions. Fermés pour être clairement protégés des intrus et troubles fêtes.

D'autres formes d'associations coopératives, mutualistes ont (surtout dans le passé) correspondu à de telles tendances. Les réalités économiques en ont bien vite fait autre chose dans d'autres champs.

L'enseignement, l'école ont été aussi beaucoup dans ces cohérences, en particulier dans les milieux ruraux, plus favorables à l'involution que les concentrations urbaines. Tous les retours à la nature lorsqu'ils ne sont ni une question de mode, ni une question de combat cherchent à rétablir une "communication", une relation plus symbiotique. Ce champ s'oppose à la conquête dont il est l'envers. Ils en rend dérisoire les ambitions et les mythes. C'est quelquefois l'opposition (sans conflit) entre l'univers masculin extérieur et l'univers féminin intérieur.
L'Involution est en effet à considérer comme univers plutôt féminin où l'homme y joue plus favorablement le rôle d'ENFANT. Les espaces protégés sont d'ailleurs dans la langue très souvent féminins. On peut parler du giron de l'entreprise, d'une institution, d'une organisation. Elles ne sont pas causes idéales à défendre ou conquérir mais lieu qui entoure, protège et nourrit. C'est aussi lieu familial où sont rassemblés les enfants, une sorte de jardin d'ENFANTS, celui de l'Eden peut-être.

d - 4 - Considérations théoriques et contextes

Le Sens de l'involution est celui d'un retour à la matrice, au lien du sang et du Sens. Il exclue toute la part qui se retrouve dans la dégradation avec ses problèmes de limites, de dévoration, d'étouffement, etc... Seuls restent là les plaisirs et jouissances. C'est le domaine de l'oralité avec le souvenir et la recherche du sein maternel, source de toutes abondances et satisfactions. Tout ce qui est nourriture rappelle ce passé paradisiaque qu'il s'agit de retrouver.

Le terme de régression convient si on n'y englobe pas ce qui ressortit d'autres champs. Les liens affectifs ou émotionnels peut différenciés y éclosent, accompagnés d'une grande inconscience des réalités. L'autre est source de plaisir, de nourriture ou de chaleur, mais pas un être matériel.
Il est à disposition ou l'inverse qui revient au même. Il y a sentiment de possession d'autant plus facile qu'il n'y a pas de limites concevables. Il n'y a pas non plus de mesures, que celles du plaisir. Ainsi les choses y doivent être gratuites et disponibles.

Le retour à la mère est aussi bien joué par les deux partenaires en relation complémentaires. C'est déjà sans doute le mobile de bien des maternités ou paternités maternantes.

Le monde de l'involution est fusionnel et symbiotique ce qui explique l'immédiateté des communications telles qu'elles y sont vécues. On se comprend à demi mot ou sans mot du tout. Les groupes, les espaces clés rappellent le monde protégé originel et plus généralement tous les contenants et les contenus sont isomorphes de ces Sens. De même le sont toutes les sources de chaleur physique ou affective, les foyers.

Pour revenir à l'inconscience paradisiaque, elle s'oppose à la raison considérée comme froide et discriminante. Effectivement elle objective, ce qui est redouté ici. Il faut plutôt s'attendre à une logique dite féminine.

Toute une part des figures mythologiques et symboliques féminoïdes se retrouvent dans ce champ avec l'eau, la mer, les écrins, et les histoires de bonnes fées, de jeunes filles, d'enfants. Tous se passe ici sans drame. Le monde de l'enfance est imaginé comme de l'Involution, même s'il ne l'est pas toujours. Ce passé est valorisé comme idyllique de même que la nature, le pays natal, la maison.

Historiquement, la vision de l'homme à l'état de nature est de ce champ. Soit l'homme préhistorique ou des âges anciens, soit aujourd'hui les "bons sauvages" dont la quête exotique est toujours présente. La forêt vierge, la caverne pré ou post platonicienne comme sites naturels réactivent les Sens de l'involution. La présence du thème de l'éducation des enfants et de l'enseignement est à considérer comme l'accès naturel à la connaissance universelle comme bien primordial et aussi nourriture. Cela va avec des conceptions pédagogiques très humanistes fondées sur une communication immédiate des connaissances. Cela s'accompagne volontiers d'une grande méconnaissance générale des réalités au profit d'un savoir faire limité à la survie et au maintien des satisfactions immédiates. Tout cela alimente bien des nostalgies qui se résolvent quelquefois malheureusement dans la dégradation. En fait les tentatives d'institutionalisation des rêves de l'involution les mettent en question. Le rêve devient cause commune et on passe en face, d'où la nostalgie. Pour concilier les deux c'est la dégradation qui émerge avec échecs relatifs sur tous les plans. Une grande partie de l'humanisme s'est fourvoyé dans ces deux champs en se faisant cause, idéologie, morale ou en devenant revendicatif, intolérant, manipulateur.

Les réalités de l'involution se trouvent beaucoup moins dans les grandes choses que les petites. Les microcosmes que l'on se crée autour de soi, au bureau, à la campagne, chez soi, y sont souvent destinés. Les petites choses de la vie en font alors la trame, toujours dans une tendance au repli et au ralentissement.

e) Champ de l'accomplissement



Avant d'aborder ce champ, il faut faire quelques remarques sur ses spécificités. La plus importante est que ses Sens n'ont pas beaucoup de place dans notre culture sauf dans des milieux restreints. La conséquence en est qu'il n'est pas facile d'en parler dans des situations de la vie courante. Les images et représentations seront quelques fois à chercher dans des tendances extrêmes qu'il faudra savoir ramener à leur juste place. La plupart des typologies des sciences humaines ignorent ou nient ce qui ressortit de ce champ. D'autre fois c'est évoqué comme idéal évident, allant de soi alors que cela aussi à bien besoin d'être détaillé. (depuis 1980 le monde a évolué et ces valeurs paraissent moins incongrues)

Par exemple, l'idée de s'accomplir dans sa vie est très vite renvoyée dans les autres champs, réussite sociale, confort et sécurité ou encore échec et pessimisme systématique. La vie est une conquête, une lutte ou une simple participation à la nature dont il faut tirer le plus de jouissances. L'accomplissement de son être n'y est pas représenté et si on sait assez bien comment, dans la vie courante se développent les trois autres champs, pour celui là il n'y a que des exemples extrêmes, tellement lointains qu'il paraissent irréalistes. Or l'accomplissement est aussi le Sens que prennent et peuvent prendre des situations de la vie quotidienne. Il faut pour cela commencer à revoir les rapports au monde. Par rapport aux autres champs, celui de l'accomplissement est celui de la prise de conscience (élucidation, clarté...) du Sens des réalités.

Cela amène à une particularité du champ de l'accomplissement dans le rapport aux réalités. Elles sont toujours l'occasion de connaissance de soi, d'élucidation, d'enrichissement. En tant qu'activité professionnelle ou modes de vie, les réalités sont celles des voies d'accomplissement que l'on s'est choisies ou d'une discipline de vie (pas aux Sens des autres champs bien sûr).Dans cette optique les réalités dans les rapports entre personnes servent véritablement à l'enrichissement des personnes, c'est-à-dire notamment à une meilleure connaissance de soi et une conscience des réalités.

En tant que médiatrices de la communication (R et S), les réalités sont aussi oeuvre commune. L'oeuvre est ce que la connaissance permet de réaliser et dont la réalisation enrichit la connaissance. En définitive les expériences dans les champs de l'accomplissement sont toujours destinées à enrichir "l'expérience" et ainsi être mieux expérimentées, etc...
C'est ce mouvement qui constitue l'accompagnement qui se joue dans le rapport à l'autre.

e -1- Les deux types d'identité

Dans la position haute vers l'ETRE , c'est de lui-même que l'individu donne Sens et réalités. Cela définit le MAITRE. La maîtrise consiste d'abord à posséder la connaissance de quelque chose, d'une réalité, c'est-à-dire d'en "avoir le Sens" c'est à dire conscience de ce Sens en soi-même. Elle est toujours "es" quelque chose et ce peut être aussi bien d'une discipline spirituelle que d'un art, ou d'un savoir faire quelconque aussi "banal" soit-il. Cette maîtrise implique celle du Sens et des réalités simultanément ou encore de la théorie et de la pratique. Théorie étant pris pour connaissance consciente, pratique pour modalités d'opération. De ce fait le maître peut professer. Cela veut dire enseigner comme professeur, cela veut dire aussi exercer sa profession. Cette maîtrise doit être bien distinguée de ses avatars dans les autres champs.

Dans la conquête il n'y a pas le Sens, savoir sans âme, théorie et pratique déconnectées (la théorie est un simple discours). Les pratiques personnelles et professionnelles sont fonctions d'images extérieures à soi (des modèles) et non pas fondées en soi-même (connaissance). Maître est synonyme de chef-vedette, le meilleur sur une cause, celui qui en a les insignes.

Dans la dégradation , c'est un faux maître qui dit avoir une maîtrise mais la confond dans son fonctionnement avec la force et la pression exercée sur les autres (et sur lui).
Il dit savoir se maîtriser alors qu'il se contient et empêche ou s'empêche.

Dans l'involution , la maîtrise est limitée à la sensibilité, l'intuition ou le sentiment. On s'en contente mais les réalités, les réalisations n'adviennent pas. La "maîtresse" d'école par exemple, qui couve ses petits élèves, ne leur permet pas de grandir, de se développer. Le maître confond ici sa bonne volonté avec les capacités que donne la véritable maîtrise.

Le MAITRE connait et se connait : s'y connait dans sa partie. Il en a le savoir-faire. Les deux, savoir et faire sont réunis. Le concept de métier est fondé sur l'expérience intégrée d'un savoir-faire, c'est-à-dire sur la conscience de sa cohérence et de ses réalités. Un enseignement est aussi une cohérence et ses réalités que connait le MAITRE. Un art est fait d'une sensibilité qui s'exprime dans une expression juste. La maîtrise consiste justement dans cette justesse qui implique la conscience de son Sens, sensible. Un savoir quelconque, aussi vaste ou limité soit-il, peut être objet d'une maîtrise. Au lieu du geste mécanique le maître en possède toutes les finesses et le Sens. De ce fait, il sait faire vivre son art, c'est-à-dire l'adapter à toutes les situations et les circonstances. Il le peut parce qu'il en a connaissance = conscience du Sens.

Ce n'est pas le cas s'il n'y a qu'imitation des formes ou vague intuition. Faire la cuisine, jardiner, tenir une comptabilité peuvent constituer l'art dans une maîtrise, mais ce n'est pas parce que l'on sait faire cuire un oeuf que l'on est maître. Ce n'est pas parce que l'on sait faire un bilan que l'on est maître, ce n'est pas non plus parce que l'on est expert. Celui qui sait rouler à bicyclette peut être incapable d'enseigner, de former quelqu'un, d'en faire une théorie, d'en être professeur ou en faire profession. C'est ce que la "connaissance" du MAITRE lui permet. Il peut parler de son art, le communiquer, le pratiquer et l'enseigner.

La maîtrise n'est donc pas liée aux dimensions ou à l'importance sociale d'une chose mais à la "connaissance" du Maître qui la possède parfaitement.

Le Sens de l'accomplissement consiste, dans l'exercice de la maîtrise, à en approfondir sans cesse le Sens et en étendre le champ. Une maîtrise est une voie d'accomplissement. L'expression "trouver sa voie" consiste à découvrir le champ possible de sa maîtrise personnelle.

Avant de devenir MAITRE, il a pu être nécessaire de se chercher, par exemple, passer en position BASSE par un apprentissage. Cette position se définit sur l'axe NON-ETRE. La personne prend Sens et réalités. Les modalités en sont extrêmement variées et peuvent recouvrir la totalité des situations de la vie (comme les autres champs d'ailleurs). Le terme choisi pour ce type de fonctionnement est celui de PRATIQUANT. C'est celui qui s'enrichit, se construit, se développe, s'accomplit en utilisant, en se servant des produits et pratiques de la maîtrise.

Le PRATIQUANT peut être disciple, élève, étudiant, apprenti, fidèle, mais utilisateur d'un service, d'un produit, employeur par exemple, acheteur et même consommateur.
Là aussi les domaines sont vastes ou restreints et peuvent être triviaux ou très exceptionnels. Ce qui les distingue des autres champs, c'est que le PRATIQUANT suit une pratique et s'y accomplit, s'y construit, prend Sens et réalités à la fois. Ce n'est pas très évident quand il s'agit de quelque chose d'aussi courant que manger. On peut manger dans tous les Sens de la carte de cohérence. Ici, manger consiste à répondre au besoin de nourriture du corps selon une certaine discipline alimentaire. Comme dans certaines traditions, suivre une ligne de conduite alimentaire consciente est un acte important de son fonctionnement personnel. On peut aussi ne manger que pour le plaisir des sens (involution), ne manger que par obligation ou restriction (règlement, régimes, gavages, dégoûts, famine...) ne manger enfin que par habitude, par convention selon des modes (rituels, "dîner en ville", "nouvelle cuisine" diététique "objective"). C'est la même chose de tout usage.


Le PRATIQUANT est celui qui prend aussi Sens, de ce qu'il emploie, de ce qu'il fait. C'est le Sens de son accomplissement et de son fonctionnement. Prendre Sens peut consister à apprendre, à comprendre, à prendre conscience, à prendre plaisir-Sens, à prendre goût, à s'alimenter, à prendre-forme aussi. C'est à la fois se chercher et se construire. Se connaître en empruntant des méthodes, pratiques, instruments, rites, produits issus de l'art du maître. Le maître trouve en lui-même le Sens de son art, le pratiquant se cherche et chemine selon les pratiques d'un maître. De ce fait il ne se définit que par rapport à une maîtrise et ses fruits. C'est aussi l'amateur, celui qui n'est pas "professionnel" mais en utilise les pratiques, en utilise les produits. D'une manière ou d'une autre il s'en sert, il en prend le Sens.

Envisageons maintenant les jeux d'identités de ce champ en commençant par la relation complémentaire MAITRE-PRATIQUANT. Elle est complémentaire si elle a même cohérence.

D'une manière générale, le pratiquant progresse dans une prise de conscience de ses réalités et de leur Sens grâce au conSensus du maître. En psychanalyse cela s'appelle le transfert. Dans un enseignement le professeur parle, l'élève entend, s'exerce et le professeur vérifie, ajuste, corrige. En fait, il donne aussi conSensus à ce que fait l'élève et qui prend Sens pour lui. C'est autre chose que dans la conquête ou le Sens de ce qui est appris est ailleurs, ce qui donne savoir sans connaissance, capacité de répétition conforme, de référence sans savoir-faire. Un autre exemple de cette relation complémentaire est celle de l'oeuvre utilisée par le pratiquant. Dans ce champ elle n'est transmise de l'un à l'autre que parce qu'elle sert selon ses Sens, ses fonctions. Par exemple une oeuvre d'art achetée par un amateur, pratiquant, pour les impressions que cela donne et non pour le matériaux, le temps passé, la notoriété de l'artiste ou un caprice passager. Cette oeuvre acquise contribue pour lui à son accomplissement, lui permet de s'y trouver, de s'y connaître.

Le rôle des parents vis-à-vis de leurs enfants pourrait se définir dans cette relation complémentaire. L'enfant PRATIQUANT la vie selon des modalités familiales et de l'environnement, les parents expliquent, donnent Sens, nourrissent son cheminement.

Dans la relation MAITRE-PRATIQUANT une chose peut paraître étonnante : le MAITRE est le serviteur. Il est disponible, au service de l'autre. Le conSensus s'établit à partir de l'expérience du PRATIQUANT et non celle du maître. De ce fait celui-ci doit être à l'écoute, disponible, au service de celui qui apprend ou qui attend un service. Il n'y a service que s'il y a conSensus et ce conSensus dépend des deux partenaires. Le maître ne peut imposer ses services, il ne peut que les proposer. La mesure de ce service du maître au pratiquant, élève ou client, disciple ou amateur, dépend surtout de ce que peut recevoir ou veut recevoir ce dernier. Cela amène à la question du prix payé par le pratiquant pour le "service" du maître. Ce service, produit, enseignement, oeuvre, ne vaut que par le conSensus établit et donc par la réalité de ce conSensus exprimé dans la matière d'échange. Le prix est une réalité homologue au service, c'est-à-dire de mêmes Sens : la cohérence de la relation consentie.

Si le pratiquant ne tire rien de la relation, il n'y a pas de prix. Le prix d'un service n'est pas celui d'une quantité de temps, de matériaux, ou une question de rareté, mais uniquement une question de conSensus établi. Il ne peut être négocié. Le fixer à l'avance indique ce que veut prendre le pratiquant (prendre Sens), le maître reste disponible.

Une situation qui peut nous paraître étonnante dans notre culture est celle qui fait que celui qui paye est en position basse et celui qui produit, est au service, est en position haute. De ce fait par exemple l'employeur est PRATIQUANT de la MAITRISE de ses ouvriers qui peuvent avoir leurs apprentis, autres PRATIQUANTS.

De même le client est PRATIQUANT du fournisseur, celui qui achète est en position basse. Précisons qu'il s'agit toujours de ce champ de l'accomplissement où on a précisé la relation de "service" considérée. Le maître donne Sens et réalité, il amène ou alimente le PRATIQUANT qui le paie pour cela selon la monnaie d'échange et la valeur consentie. Le contrat et ses termes service-prix ne sont toujours que des formes homologues au conSensus.

Une dernière chose à noter, comme dans les autres champs le changement de position est possible pour un individu. Par exemple un PRATIQUANT dans une discipline peut aussi être à un autre moment MAITRE dans une partie de cette discipline et être au service d'un autre PRATIQUANT.

C'est toujours dans la relation que se définit la position. Un professeur peut très bien continuer à apprendre dans sa discipline tout en enseignant par ailleurs. Le MAITRE peut toujours se perfectionner pour élargir ou approfondir son champ de maîtrise. Il devient alors PRATIQUANT avec un autre MAITRE plus avancé.

Passons maintenant aux relations symétriques en commençant par la position haute MAITRE-MAITRE. Il s'établit aussi une relation de conSensus avec cette fois-ci non pas service rendu mais oeuvre commune.

La relation est de conception dans le croisement des maîtrises. Elle est aussi de génération. La communication porte des fruits, une production qui nécessite la maîtrise des deux partenaires. Deux professionnels peuvent créer ensemble de même que deux professeurs. Ce croisement est le plus riche pour créer de nouvelles réalités : les bâtisseurs de cathédrales en ont laissé la trace mais aussi bien d'autres aujourd'hui. L'oeuvre commune peut être un service pour des PRATIQUANTS. De ce fait ce peut être une entreprise. L'entreprise est alors, dans ce champ, la relation de maîtres dans le conSensus (les Sens communs) qui peut être établi dans leur maîtrise (professionnelle). L'entreprise se définit par la cohérence de ses maîtres et non celles des pratiquants éventuels. La "politique commerciale" d'une telle entreprise ne pourrait être que de proposer ses services à des personnes qui pourraient en être PRATIQUANTS. Le conSensus dépend d'eux aussi. Revenons à la relation symétrique entre MAITRES pour noter qu'elle pourrait être aussi celle de la relation homme-femme dont le produit l'enfant commence par être le fruit de leur reproduction avant de devenir éventuellement PRATIQUANT de ses MAITRES, parents ou autres.

La relation symétrique PRATIQUANT-PRATIQUANT est une relation de participation commune à une même discipline qui en donne la cohérence. Si les partenaires restent dans cette position il y a communion dans le Sens et les réalités de la situation. Il y a de ce fait communication satisfaisante sur leur pratique commune. Elle est de reconnaissance mutuelle, condisciples, association de consommateurs, mais aussi de conSensus sur leurs réalités mutuelles. C'est ce qui peut faire une assemblée d'élèves, une association, où on parlera essentiellement de la discipline commune et où on en tirera jouissance. Il peut se présenter des problèmes si les pratiquants n'en sont pas au même degré sur leur pratique où s'ils sont de disciplines différentes. Dans ce cas, il risque de ne pas s'établir de conSensus et donc pas de relation, ou relation sur un conSensus d'un autre champ. A quoi cela sert-il une relation de ce type ? A conforter chacun dans son cheminement et à se co-activer.

La communication établie sur une cohérence commune renforce l'activation de cette cohérence et la surdétermine et ainsi l'implication dans la pratique. Ce "soutien" de l'autre ou des autres, qui n'est pas un apport mais une présence, est particulièrement important pour pratiquer le plus favorablement possible. Dans un groupe de travail ou d'étude c'est ce qui se passe. Autre chose que la compétition, c'est une relation d'émulation mutuelle où ils peuvent s'exercer à leur pratique.

e - 2 - Vision du problème de la communication

Elle est ici envisagée dans toutes ses dimensions. La communication, tout d'abord est indissociable de sa finalité et de son efficacité. Ce n'est pas la désignation d'un état mais d'un mouvement par lequel s'accomplissent les personnes dans leurs réalités, oeuvres, apprentissages, etc... On doit donc toujours se poser la question du Sens de cette communication, de son intérêt. Communiquer, c'est agir ! Voilà quelque chose de très important. En effet si l'on regarde les différents types de relation, pour chacun à son niveau, la communication est action qu'elle soit de parole, d'étude, de production, d'émulation, d'exercice, d'entreprise, de génération, etc...
La relation dans le champ de l'accomplissement intègre justement les trois dimensions personnelles, fonctionnelles, situationnelles. De ce fait, l'accomplissement personnel est aussi le Sens des circonstances, organisations, entreprises, éléments de la réalités. La situation n'est rien d'autre que la scène de l'évolution des personnes. La troisième dimension, fonctionnelle, est le processus de l'accomplissement des précédentes. L'accomplissement de l'oeuvre ou des personnes n'est rien d'autre que l'action par et dans la communication. Si l'on observe la plupart des activités collectives, on s'aperçoit que tout ce que l'on appelle action n'est rien d'autre que le déroulement d'ensembles de communications dont les réalités sont pour beaucoup verbales, de transmissions de données ou d'assemblages de matériels. Seule l'oeuvre strictement individuelle, accomplie par le maître n'est pas le fruit immédiat d'une communication. Cela n'est pas très fréquent dans la plupart des activités courantes.

La conséquence de l'identité de l'action et de la communication fait que, dans ce champ, le travail sur les relations et leurs modalités est essentiels. C'est le cas de la relation thérapeutique, pédagogique, mais aussi commerciale, de production et encore la relation de couple, parent- enfant, les relations de groupes, etc...

Le premier type de relation MAITRE-PRATIQUANT est conduit par le MAITRE, il vise à l'élucidation du Sens de la communication établie pour le pratiquant. Le Maître en est déjà plus conscient, c'est pour cela qu'il a une certaine maîtrise. Pour cela, dans sa discipline, le maître propose une pratique, des règles, des réalités. Leur pratique par le pratiquant lui permet d'établir conSensus avec le Maître et d'en connaître ainsi les réalités, puis le Sens. Entre MAITRES, c'est directement l'établissement de la communication qui est créateur. En effet, les réalités produites dans l'échange, appartenant à R ou S, de par la conscience de leur art, de leur cohérence par les partenaires, ont la possibilité d'être pérennes.
C'est ce qui en fait une production maîtrisée, une production nouvelle mais qui est en cohérence avec la situation de réalisation. Ce sont les deux conditions de la création: qu'elle soit maîtrisée et qu'elle ait sa place dans la situation. Le processus de communication entre PRATIQUANTS est plus courant. L'enjeu est important pour le cheminement personnel des partenaires mais n'est pas créateur de réalités nouvelles. Ce n'est pas un processus de production mais d'entraînement, de préparation.

La communication est ainsi dans ce champ équivalente à l'action avec effet principal :

- D'activation dans la relation PRATIQUANT-PRATIQUANT.

- De maturation dans la relation MAITRE-PRATIQUANT.

- De création dans la relation MAITRE-MAITRE.

e -3 - Les univers de l'accomplissement

Ils pourraient être tous les univers de la vie. Dans notre culture ils se sont réduits à peu de choses qui en sont souvent simulacres. Les religions ont en principe ce Sens avec leurs Maîtres spirituels ou temporels, prophètes, prêtres, mystiques, etc... Leurs rituels sont souvent des processus de maturation MAITRE-PRATIQUANTS ou de communication et d'émulation dans les exercices et assemblées de fidèles. Dans la champ de la conquête, elles ont beaucoup perdu leur Sens et, leurs communications leurs fonctions. La crise de la conquête avec le "retour du religieux" manifeste un renversement de tendances.
Un autre univers, non sans une grande diversité de Sens, est celui des pratiques psychanalytiques, de développement personnel ou de psychothérapie associées à des apports de traditions diverses. Il n'est pas facile de s'y retrouver dans le fratras des théories, des pratiques et des modes. Il y règne beaucoup de pseudo-maîtres qui ont confondu synthèse personnelle et syncrétisme. La panoplie de référence qui s'utilise parle plus du champ de la conquête que de celui-ci. Au nom de l'accomplissement, la dégradation s'y déploie volontiers, le mensonge y règne.

L'enseignement et la formation pourraient constituer un univers privilégié. Il est loin de cela, particulièrement ancré dans la culture dominante il la suit plutôt qu'il la précède. C'est cependant là qu'on peut aussi attendre et repérer des expériences et des développements de ce champ. La relation pédagogique dominante est plutôt de type behavioriste dans la droite de la carte des champs. Les tendances de l'accomplissement ont à subir bien des détournements avant de se diffuser et donner leurs véritables résultats. Cela tend à se produire malgré les oracles pessimistes de la crise.

L'entreprise actuelle n'est pas en général un terrain bien propice à ce champ. Cependant avec les questions provoquées ou libérées par la crise leurs finalités et donc leurs Sens peuvent évoluer. Même si des crispations d'un champ opposé se manifestent, il s'en dégage aussi dans ce champ, sans fureurs ni fracas, mais sûrement. La modification des rapports au travail n'est pas à regarder que d'une manière pessimiste, au contraire. C'est peut être le moment où des discours déjà bien anciens pourront s'accomplir réellement ou reprendre place autrement que dans des plaintes nostalgiques. Le métier, la profession disparaissent d'une part, mais réapparaissent autre part.

On repense à former des hommes plutôt que des experts, des spécialistes ou des manoeuvres. Certains repensent reprendre maîtrise donc autonomie.

Un dernier univers de l'accomplissement pourrait bien être la famille. Ses crises, convulsions, pseudo changements aussi cachent de véritables évolutions qui sortent des modèles de la conquête sans forcément tomber dans les champs du bas. Que la famille devienne un lieu de maîtrise et d'accomplissement ne ferait que renouer avec ce qu'ont de fondamental des relations sexuées et aussi la reproduction et l'éducation des enfants. C'est banal mais essentiel en particulier, dans ce champ.

e-4 - Considérations théoriques et contextes

Pour renouer avec les références psychanalytiques, ce champ là est celui de la génitalité qui intègre donc tous les autres stades et les dépasse. Cela rend particulièrement signifiant les relations sexuées comme d'accomplissement. On retrouvera dans ce champ la notion d'individuation qui consiste en une réunion, dans la personne, de ses tendances masculines et féminines. Ces deux tendances peuvent être vues aussi comme celles de la conquête et de l'Involution, la première culturellement masculine et la seconde féminine. Leur intégration avec prédominance des réalités et prédominances du Sens est créatrice ici et leur rencontre destructrice dans le champ de la dégradation. Ces deux champs sont ceux où peuvent s'ajuster des relations qui se cherchent dans des cohérences différentes.

La réunion de l'anima et l'animus dans l'Individuation se situe comme l'indique Jung au delà du moi qui prédomine seul dans la conquête. Le travail d'accomplissement est celui que peut viser une relation analytique qui renouvelle aussi éventuellement des processus non accomplis au cours de l'évolution personnelle. Il consiste à prendre conscience de ses autres Sens aussi. D'une manière générale toutes pratiques, mais aussi toutes relations dont la fonction est notamment d'élucidation participent de ce champ. Ainsi cela peut être autant une démarche, qu'une méthode, qu'une attitude pour devenir une discipline et une maîtrise. Les voies de l'accomplissement sont multiples autant que de disciplines possibles. Ces termes rappellent les traditions ésotériques, les traditions orientales et diverses religions. On peut en effet y trouver des références proches sous des langages différents. Depuis la séparation des états et des religions, les premiers dans les objectifs collectifs qu'ils se proposent et leur organisation de la société ont tendu à exclure les finalités de l'accomplissement qui reviennent maintenant derrière cet intérêt pour le religieux, l'ésotérique, le paranormal même mais aussi celui pour les sciences humaines.

Les sciences fondamentales aussi renouvellent leur rapport à la nature avec le retour du Sens et du sujet dans le processus de connaissance. Les choses et les êtres ne sont pas qu'objectifs, chaque fois que commencent à se poser des questions de Sens , de cohérences, de vécu, de connaissance, de finalité, et au fond de communication.

Historiquement les philosophies et les religions ont pour la plupart traité de ces questions sans avoir toujours bien distingué l'ordre du Sens de l'ordre des réalités ; comme en psychanalyse, les contenus psychiques en tant que réalités de leurs processus en tant que cohérences activées.
La MAITRISE rappelle le compagnonnage avec la présence des apprentis. Il n'est pas certain que leur Sens ait toujours été dans l'accomplissement qui ne s'accommode guère du secret et de l'occulte même s'il reste discret et non spectaculaire.

En tout cas, là comme dans des disciplines professionnelles, artistiques ou spirituelles, on a de nombreux exemples de ce que pourraient être des pratiques de l'accomplissement. Encore faut-il qu'elles prennent Sens dans les réalités et les situations actuelles. C'est pourquoi il y a plus à inventer qu'à importer d'Amérique, d'Orient ou du passé. On peut y trouver des situations et des pratiques homologues ce qui fait l'intérêt de leur étude mais la MAITRISE ne peut jamais se développer que dans le milieu culturel qui la porte et ou elle peut s'exercer.

Pour terminer avec le champ de l'accomplissement, il faut signaler que la théorie des Cohérences Humaines qui sous-tend tout ceci, rend compte aussi des mécanismes qui produisent grâce au conSensus de la communication avec autrui, la conscience des réalités puis, par confrontation de réalités homologues, conscience du Sens ou de leur cohérence. Cette dernière peut s'exprimer dans la conscience du "je" qui ressent et dont ce Sens est donné aux réalités. Cela demanderait de trop longs développements et approfondissements pour figurer dans ce texte. Sachons simplement que presque toutes les applications de la théorie des Cohérences Humaines y ont recours par leurs démarches leurs méthodes et leurs techniques.

Observation: la théorie de l'évolution humaine développée après 1991 apporte des éclairages importants sur le chemin d'accomplissement, les voies et les étapes de maturation et de maîtrise, et les processus de progression.

f- Points de vues sur les autres champs



Avant de passer aux utilisations de la carte générale des cohérences et des jeux d'identités, il est intéressant d'observer le point de vue des identités d'un champ sur celles des autres. On examinera ainsi les relations qui ne se stabilisent pas sauf si se trouve un champ commun. Le Sens d'un type d'identités correspond aussi à ses préactivations, c'est-à-dire au Sens qu'il donne au monde et en particulier aux manifestations des autres. On va les écouter en parler.

f - 1 - points de vues de la conquête

Sur son propre champ, on en a déjà traité avec le problème des causes communes ou différentes. Ce qui est intéressant, c'est le rapport aux autres.

- La dégradation - Elle peut être vu comme drame et en apprécier le côté spectaculaire. Par contre la souffrance, le malaise, les obscurités paraissent trop lourdes pour les ambitions. Son côté moral y voit le mal contre lequel il faut lutter et ce qui justifie son propre Sens de conquête. La dégradation c'est ce qui n'a pas le Sens des valeurs élevées, l'insensé, le mauvais dont il faut se séparer. On l'élimine dans des lieux ad hoc ou on tâche de le guérir scientifiquement. Le seul intérêt de la dégradation est quelquefois son spectacle ou ce dont on peut faire spectacle pour s'en distancier. La réaction générale est la distance et le cloisonnement.

- L'involution - Ce qui frappe l'homme de la conquête, c'est l'irréalisme et l'absence d'ambition, son inverse, son désir secret quelquefois. Pour lui caractère intuitif, sensible, subjectif est une affaire de femmes, pas une affaire d'hommes qui doivent être plus réalistes, constructifs, objectifs et rationnels (cela évolue avec la crise de la conquête). L'involution c'est agréable mais ce n'est pas sérieux, c'est du parasitage. Ils sont bien gentils aussi mais pas très malins, ce sont de doux rêveurs dont il ne faut pas longtemps s'embarrasser, des utopistes aussi.

- L'accomplissement - Ceux là compliquent tout, ils posent trop de questions, coupent les cheveux en quatre. Il faut être plus actif, plus pratique moins théorique. Les personnes de la conquête gardent quelquefois une certaines attirance pour les connaissances qu'ils soupçonnent et prennent pour un savoir supérieur qui ferait bien dans leur panoplie. Ils s'évertuent donc quelquefois à les imiter, dans les formes, mais c'est bien compliqué, il faut rester les pieds sur terre, rester concret. Il y a bien des raisons techniques, économiques, rationnelles pour ne pas trop perdre son temps à de telles élucubrations. On y perdrait son identité et sa place dans la société, risque majeur pour la conquête.

f - 2 - points de vue de la dégradation

Sur son propre champ, il est critique bien sûr, se crispe ou se lamente.

L'involution
- Il faut distinguer deux points de vue. Soit on se sent agressé par des gens qui ne s'en font pas. On les trouve mous, collants, mais aussi dangereux avec leurs utopies qui veulent tout mettre par terre. Ce sont des gens qui ne se rendent pas compte et qui verront bien... ce qu'ils verront. Tôt ou tard la vie le leur fera payer (il y a quelques "jeunes" qui peuvent être visés au passage avec leurs alliés quelquefois les vieux et les femmes). Soit par ailleurs, cela paraît comme des plaisirs interdits pour soi et cela renforce dans l'amertume, la morosité et des comportements d'échec. Les autres ont bien de la chance, ils ne s'en rendent pas compte.

- L'accomplissement - Ce sont des exceptions qu'il ne faut pas trop chercher à comprendre, ce n'est pas donné à tout le monde. Les gens dans l'accomplissement peuvent être vus comme dans la dégradation avec une belle inversion. Ils sont considérés comme dangereux avec leurs idées et ils peuvent provoquer des accidents "pour les gens faibles". Par contre leur pouvoir supposé séduit et les gens de la dégradation sont tentés de récupérer ce qu'ils trouvent chez les autres en le pervertissant (inconsciemment). Ils en font des pratiques occultes avec des moyens de culpabilisation ou de destruction pour eux et pour les autres. Par contre ils évitent d'avoir trop de contact avec ceux d'en face surtout lorsqu'ils sentent que leur jeu pourrait transparaître, que leurs pseudo certitudes sont fondées sur des angoisses.

-La conquête
- Ces gens là sont plus rassurants que les précédents. Ils sont réalistes et pour certains, dans la dégradation, on voudrait bien participer à leur réussite. Cela réactive encore des comportements d'échec et ces tentatives manipulatoires pour tâcher d'y arriver sans succès. On a tendance aussi à trouver qu'on serait meilleur qu'eux là-haut et que l'on est pas reconnu à sa juste valeur. Un autre point de vue bien fréquent est de considérer les gens de la conquête comme ayant trop le goût du pouvoir. Ce sont des gens "bidons" à qui on prête les plus bas desseins et l'absence de scrupules. Le chef, c'est l'homme à abattre, les militants ses complices dupés.

f -3 - Points de vue de l'involution

Il n'y a pas toujours une grande conscience des réalités mais une sensibilité qui permet de se sentir attiré ou non.

- L'accomplissement - Cela parait très intéressant, surtout le côté idéaliste et la sensibilité de ces gens. Par contre ils sont beaucoup trop sérieux et c'est trop difficile pour soi. Ce qu'ils font paraît intéressant mais on ne s'y investit pas trop. Ces gens là font aussi des choses trop dures qu'on ne se sent pas capable de faire. On aime en parler entre soi. On trouve cependant qu'ils ne devraient pas s'ennuyer avec des problèmes ou des gens pas intéressants, alors qu'en général ils sont plutôt gentils mais un peu distants cependant.

- La conquête - Ceux-là on les admire mais on ne veut surtout pas se mêler de leurs affaires. Il sont trop froids, trop matérialistes. Ils ne tiennent pas assez compte des hommes. Ce qu'ils font paraît intéressant même si on ne comprend pas bien quel est l'intérêt de courir toujours comme ça. Ils ne prennent pas le temps de vivre et se tuent à la tâche ou avec toutes leurs obligations. On se demande comment ils font tout ça ils sont très forts et il y a parmi eux des hommes admirables et dévoués. De temps en temps ils en demandent trop et voudraient que tout le monde fasse comme eux.

- La dégradation - Dans l'ensemble ce sont des gens malheureux. Ils n'ont pas de chance ou font leur propre malheur. Il vaut mieux ne pas trop se mêler de leurs affaires ni se laisser envahir. Quand on veut les aider, ils ne sont même pas reconnaissants. Ce sont des gens quelquefois dangereux ou trop égoïstes. Par contre de temps en temps en leur compagnie on se donnerait quelques frissons d'effroi, mais pas trop, on y laisserait sa santé et sa tranquillité.

f -4- points de vue de l'accomplissement

Par définition on voit les autres comme ils sont, mais on sait reconnaître ses propres appartenances à leurs différents Sens. De ce fait on s'en sent moins dépendant et donc moins réactif. On a le choix d'entrer ou non dans les relations avec, pour soi au moins, conscience du Sens de cette relation, quelqu'il soit si on l'a choisi. Il ne faut pas bien sûr idéaliser cette conscience. C'est en tout cas la tendance dans ce champ. Ce qui n'est pas clair ou qui fait réagir peut toujours être occasion d'élucidation et par là d'approfondissement de la connaissance de soi. Il n'y a pas lieu de passer en revue les points de vue sur les autres champs qui sont vus comme ils sont. Comme on peut les voir lorsque l'on est soi-même assez clair ou peu impliqué par des réactions personnelles inconscientes, (c'est-à-dire dont on ne s'aperçoit même pas quelques fois ou qu'on ne maîtrise pas en tout cas).

III - EXEMPLES D'APPLICATIONS



1 - PRINCIPES D'UTILISATION DES JEUX D'IDENTITES DE LA
CARTE GENERALE DES COHERENCES


La carte générale des cohérences est un outil d'analyse de Sens applicable à toutes sortes de situations. Elle peut être utilisée pour des problèmes très vastes, culturels, sociologiques; ou plus restreints; événements quotidiens; pour des problèmes professionnels ou plus intimes. Son utilisation peut être aussi très méthodique ou très rapide.

La multiplicité de ses utilisations rendra pour l'utilisateur cet outil toujours plus riche et toujours plus juste jusqu'à devenir un "langage", c'est-à-dire non pas un vocabulaire de plus, mais un miroir qui renvoie, éclairé, ce que l'on y projette. La pratique conduit à la maîtrise.

On envisagera successivement les quatre types d'usages que l'on peut en faire :

- Analyse du Sens, c'est-à-dire comprendre et sentir.
- Choix de Sens ou d'orientation, et conceptions assorties.
- Actions, communications et interventions.
- Régulations, pilotages, ajustements.

a) Analyses



On peut envisager deux méthodes pour analyser un problème, un événement, un cas. Soit on en cherche directement le Sens, soit on cherche d'abord les différentes interprétations possibles dans les quatre champs pour distinguer les différents aspects du problème. C'est une véritable étude qui peut être aussi, très rapidement menée ou largement approfondie. On distinguera l'analyse directe et l'étude systématique d'un problème.

Il faut souligner cependant que cette utilisation de la carte n'est que l'un des outils de la méthode des cohérences.

C'est le plus général et le plus maniable. Il faut savoir que chaque problème, chaque situation a sa propre cohérence dont la carte peut être élaborée par d'autres méthodes.

- Analyse directe - Elle consiste à positionner dans l'un des champs le problème, tel qu'on le ressent. Pour ce faire, on s'aide des isomorphismes et des différentes dimensions du problème. Ses différents éléments peuvent quelquefois se montrer très vite comme isomorphes entre eux, c'est-à-dire faisant apparaître un Sens commun que l'on peut replacer dans l'un des champs. Ce positionnement peut être fait comme hypothèse et s'il est juste, il permettra de repérer d'autres éléments isomorphes. Cette confrontation à la carte générale est élucidatrice. On y voit de plus en plus clair.

Ce positionnement sur la carte peut s'opérer simultanément par les isomorphies entre les éléments de la question analysée et les multiples images isomorphes qui constituent la connaissance de la carte générale. C'est d'ailleurs pour cela notamment que l'enrichissement de cette connaissance facilite l'analyse. C'est vrai pour l'affinement de sa propre sensibilité et lucidité personnelle, sur soi-même aussi. Chaque nouvelle analyse enrichit d'ailleurs ces collections d'éléments isomorphes et la puissance de l'outil pour son utilisateur.

L'analyse directe peut se faire aussi en envisageant séparément les trois dimensions que l'on a données aux situations de communication. En analysant les jeux d'identités, on va comprendre la situation et les processus en oeuvre. On peut aussi analyser le Sens de l'une ou l'autre des dimensions pour comprendre le reste. Ce processus de passage de l'une à l'autre dimension contribue à connaître de plus en plus justement la question analysée ainsi que tous ses aspects, leurs Sens et leurs réalités aussi qui n'apparaissaient pas forcément au premier abord. Ainsi ce type d'analyse met en évidence peu à peu les éléments les plus significatifs que seule l'analyse des Sens permet de déterminer. Le regard sur les choses change au fur et à mesure de l'analyse, il devient plus précis sur les réalités et plus juste sur leurs significations. On en tire un triple bénéfice de connaissance: de la question étudiée, de l'outil et de soi. L'analyse directe est particulièrement pertinente pour les situations réelles alors que l'étude systématique s'accomode mieux des situations générales.

L'étude systématique - Elle consiste à poser le problème, systématiquement dans les quatre champs. On utilise de ce fait l'isotopisme qui fait que les mêmes éléments peuvent avoir plusieurs Sens différents et être mis en jeu dans des cohérences différentes. Une même réalité peut ainsi être fondée sur des cohérences différentes, isologues. C'est surtout vrai pour les questions générales ou généralisées alors que les cas précis tendent plus favorablement vers un champ particulier.

S'il s'agit d'un cas précis à étudier, l'étude passe par sa généralisation. Elle consiste à présenter le problème dans chacun des champs et à représenter les différentes modalités qu'il peut y prendre. On en décrira les circonstances possibles, les jeux d'identités correspondants, les processus, avec tous les éléments de compréhension logique qui vont avec. Les explications ne sont pas les mêmes dans le champ de la dégradation ou de la conquête. Chaque élément du problème est envisagé dans chacun de ces champs où son rôle particulier est décrit en relation avec les autres.

Une méthode pour procéder à cette étude consiste à effectuer un inventaire des réalités, une liste d'éléments qui sont envisagés successivement dans chacun des quatre champs.
Se construit alors dans chaque champ un scénario qui peut être caricatural d'ailleurs , si on exagère volontiers les Sens et qu'on les surdéterminent bien. Chacune des quatre représentations constitue une interprétation possible du problème.

La confrontation d'un cas précis à ces représentations permet d'en avoir très vite le Sens particulier. En fait on s'est ainsi construit une grille d'analyse spécifique pour le problème considéré, on pourrait même dire une théorie de sa problèmatique.

Les exemples d'applications que nous aborderons, consisterons en études systématiques de divers problèmes. Cette démarche présente un très gros intérêt pédagogique de la méthode des cohérences.

L'un des intérêts de cette étude systématique est la mise en évidence de la pluralité des Sens que peut avoir un fait ou un problème. Cela sort des vues manichéennes et des logiques binaires de la culture dominante. Cela ouvre de ce fait sur une nouveauté : la possibilité des choix de Sens.

A titre anecdotique, on peut rappeler qu'au moyen âge encore, avant ou pendant les émergences d'une dominance de la culture de la conquête, l'interprétation d'un texte était faite dans les "quatre Sens" (qui n'étaient pas tout à fait cependant ceux de la carte de cohérence).

b) Choix et conceptions



Compte tenu d'une analyse directe ou d'une étude systématique, on peut être amenée à faire des choix de Sens, d'orientation et concevoir ou prévoir où ils conduisent. Les questions de choix, de décision sont souvent des questions de Sens. Pour les faciliter on peut prévoir dans leurs différentes dimensions les conséquences des choix possibles. Les choix portent aussi sur des problèmes et des situations existantes. De ce fait le Sens de ces situations peut faciliter ou au contraire s'opposer aux choix que l'on souhaite.

En tout cas quelque soit le cas, on a toujours intérêt à confronter le Sens de la situation actuelle au Sens de ses choix pour en déduire au moins le type d'obstacles que l'on va rencontrer et les stratégies et moyens qu'il va falloir employer.

Les décisions qui vont dans le Sens actuel des situations où elles s'appliquent, ne font qu'en renforcer ou surdéterminer le Sens. Les autres demandent de s'appuyer sur les éléments qui vont avec et de faire évoluer ou disparaître les éléments des réalités de Sens différents. Par exemple, une décision de Sens peut d'abord correspondre au choix personnel et là où il faut agir il y a des personnes de tendances différentes. On pourra repérer les conditions. On peut repérer aussi les types de relations et de communications que l'on peut instaurer ou non avec les autres selon ce que l'on cherche comme conSensus.

En ce qui concerne les choix de Sens, il faut préciser qu'ils sont une question d'orientation personnelle selon ses propres valeurs. Cependant le champ de l'accomplissement est celui où la lucidité permet des choix clairs et plus justes par rapport à ses propres finalités et les possibilités des situations.

La conception de solutions, de stratégies, de créations... est d'autant plus facile que leur Sens est clair. Les éléments à concevoir sont toujours isomorphes des Sens choisis et font une unité et une densité très grandes de ce qui peut être conçu. La conception peut servir aussi à d'autres choix de réalités ou à réajuster les choix de Sens.

c) Actions - communications - interventions



En relation avec ce qui précède elles peuvent être décidées et conçues après les analyses ad hoc.

La plupart des actions se ramènent à des communications. Les trois dimensions personnelles, fonctionnelles, situationnelles portent le Sens des communications. C'est par elles et sur elles que l'on peut intervenir. Les actions et communications seront souvent des "mises en scène" des Sens choisis. Agir consiste à prendre et faire prendre les identités correspondant aux jeux relationnels convenables. Cela consiste aussi à préparer, rassembler, utiliser, produire tous les éléments isomorphes convenant à la situation, et la constituant. Cela consiste enfin à engager et conduire des processus, méthodes, procédures qui eux aussi sont homologues. Selon le cas et les possibilités personnelles, on peut insister sur telle ou telle dimension.

Les objectifs de toutes actions peuvent être formulés aussi dans ces trois dimensions : personnelles, situationnelles, fonctionnelles. Leur formulation est une expression du Sens que l'on a choisi. La carte générale des champs et des jeux d'identités permet de les situer et en particulier de les distinguer des autres possibilités de Sens. Un choix de Sens de l'involution par exemple ne peut être communiqué selon des relations de type conquête. On ne mobilisera jamais pour des objectifs de l'involution ou si on le fait ce sera pour ses images et non les faits. Plus on réussirait à mobiliser des gens par exemple et moins l'objectif aurait quelque chance d'être atteint. Il en est de même pour des objectifs de conquête ou d'accomplissement que l'on voit quelquefois passer par des actions ou relations dans la dégradation. Dans ce cas, soit on échoue, soit on s'est leurré sur les objectifs. Cela dit, le champ où ça se résout est en bas et à droite de la carte.

Ainsi l'action est toujours exemplaire parce qu'elle est aussi communication de Sens. On ne peut pas se contenter de résultats ou d'objectifs formels. La manière de les atteindre est la dynamique qu'ils entraînent mais c'est aussi ce qui les amène. Le Sens de l'action n'est jamais neutre. C'est toujours une question de lucidité, et de choix.

d) Régulation, pilotage, ajustements



A tout moment et selon les événements on peut s'interroger sur le Sens de ce qui se produit ou de ce qui doit être fait. La justesse d'une action dans le temps est obtenue par la surdétermination de tout ce qui va dans le même Sens. Si l'action est "R", réponse d'un tiers ou d'un ensemble à "S" ensemble des éléments quotidiens, on a intérêt à ce que ces derniers ne soient pas dispersés. Les réponses R sont aussi faites d'éléments de Sens multiples. On a intérêt à en lire le Sens pour réagir (sur S/opportunément). On retrouve ainsi pour la régulation et le pilotage de l'action ou la communication les mêmes principes que pour la conduite des situations interpersonnelles. Les jeux d'identités interviennent alors comme outil de manière très voisine. Pour la conduite d'un entretien on peut, en plus de tout ce que l'on a dit au 1er chapitre, ajouter maintenant le repérage du type d'identité en action. La conduite d'un entretien, comme d'une action, consiste à régler les types d'identités des personnes intéressées en réglant le sien sur une position complémentaire ou symétrique. Ainsi si l'on veut des pratiquants pour un enseignement par exemple, il faut ajuster sa propre position de maître.

L'ajustement se fait d'instant en instant pour piloter la situation en étant soi-même le plus juste et en lisant et réagissant justement au fonctionnement des personnes et aux événements. L'utilisation de la carte de cohérence aide à se repérer en tant que de besoin.

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