SENS ET COHERENCES HUMAINES
©Roger NIFLE

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USAGES DE L'INTERNET
LE PROBLEME DES SERVICES

ECHEC - MODE D'EMPLOI
Des voies pour réussir


Roger Nifle Février 2002


Aujourd'hui la recherche de nouveaux services apparaît souvent comme la seule issue salvatrice pour le développement des NTIC. Or un grand nombre de démarches sont vouées à l'échec, comme dans le passé, faute de discernement pour des raisons similaires.

En effet on peut dire que :
- Ce qui va dans le Sens du phénomène Internet sera approprié et engage un cercle vertueux de développement.
- Ce qui va dans un autre Sens est inapproprié et quelque soient les puissances investies est condamné à l'échec.

La clé pour développer de nouveaux services est donc :

Quel concept de service est approprié au phénomène Internet.

En effet l'analyse des Sens et Cohérences de la notion de service croisée, avec la compréhension du Sens du phénomène Internet montre les impasses (diSensus) et les possibles (conSensus). Il y a des services qui aujourd'hui sont pensés pour Internet et qui sont incompatibles. Il faut trouver d'autres voies.
On examinera d'abord la question à la lumière du Sens du phénomène Internet.

Le phénomène Internet, c'est cet engouement mondial qui fait que malgré la complexité de l'ordinateur des centaines de millions de personnes sont abonnées et continuent à s'abonner. C'est aussi ce développement qui fait fi des campagnes d'inquiétement du public (ah! l'insécurité d'Internet). C'est ce qui aussi déjà comme aux USA fait chuter massivement la consommation télévisuelle. C'est encore le lieu d'une créativité sans précédent portant sur toutes les dimensions de la vie sociale, économique à tous les âges et à toutes les échelles.

Or la première donnée à prendre en compte est le fait que le phénomène Internet est porté par un mouvement de mutation sans précédent. Il s'en nourrit et le nourrit, il le révèle et le réalise.

Or ce mouvement de mutation s'accompagne d'une crise des représentations et des modèles qui rend caduques la plupart des grilles d'analyses et génère une grande confusion intellectuelle jusque dans le vocabulaire. Il s'accompagne aussi d'une crise de Sens qui rend le discernement du Sens des phénomènes qui se produisent particulièrement difficile parceque cela ne va plus de soi. Aussi le discernement des Sens devient particulièrement indispensable tout en restant contre-culturel pour beaucoup.

C'est le fruit de cette analyse qui permet cependant de saisir les caractéristiques discriminantes les plus significatives du phénomène Internet que l'on va examiner ici.

1) Internet est affaire de relations, information et communication ne sont qu'accessoires.

De ce fait tous les discours sur les technologies de l'information, sur la recherche d'information comme principale utilité d'Internet, sur la fourniture d'informations comme service significatif est hors sujet.
En effet il ressortissent d'un concept télématique antérieur mais pas du phénomène Internet. Il y a donc toute sa place mais pas dans la ligne principale du phénomène.

C'est certainement un obstacle majeur au développement d'Internet dans les entreprises où il a été assimilé à l'informatique et au système d'information. Les paradigmes conceptuels et méthodologiques ne sont pas ceux d'Internet et très souvent l'intranet a été une défense contre la philosophie d'internet et explique la faiblesse des usages dans les entreprises.

Cela ne veut pas dire qu'Internet ne véhicule pas de l'information mais ce n'est pas sa signification essentielle, ce qui en fait la valeur et donc permet d'évaluer un service économiquement viable. La critère économique est aussi un révélateur de pertinence.

En second lieu assimiler Internet à un nouveau média est une erreur non pas que techniquement cela ne soit pas mais ce n'en est pas le Sens essentiel. Aussi toute la distribution massive de services médiatiques par le biais d'Internet (vidéo, radio, musique, presse) est vouée à l'échec économiquement. Cela ne veut pas dire que rien de cela peut exister sur Internet mais cela n'en est pas le Sens. Là aussi le paradigme médiatique n'est pas celui d'Internet. De ce fait il reste pertinent de vouloir développer de nouveaux services médiatiques mais pas sur Internet. La télévision numérique par exemple en serait un vecteur approprié.

2) Internet est affaire d'initiative pas de passivité

Cet autre critère est lui aussi discriminant.

Tous les services qui sont fondés sur une consommation passive de la part des internautes sont voués à l'échec. Cela ne veut pas dire qu'il ne peut y avoir consommation sur Internet mais que ce n'est pas le Sens du phénomène. Par le biais d'Internet, l'internaute est à un poste de commande, de navigation ce qui donne au choix de l'ordinateur comme vecteur sa valeur symbolique incontournable (même sans compétence technique). Il ne s'agit pas alors d'un appareil informatique mais d'un poste de commande de l'entrée en relation et d'accès à des mondes auxquels il participe.

Ce poste de commande est ainsi l'écran par lequel il accède à des mondes et des personnes mais qui ne doit pas être une fenêtre de l'intrusion que cela deviendrait s'il devenait passif (push). Il y a la télévision pour cela et bien d'autres vecteurs. De ce fait et on le verra tout à l'heure, tout service conçu comme une distribution automatique de quelque chose est incompatible avec le Sens du phénomène Internet. Il faut lui réserver des vecteurs accessoires. De même tout service automatique dont on parle à propos par exemple de maison intelligente est incompatible avec l'esprit (le Sens) d'Internet. Cela n'empêche pas d'y songer mais sur d'autres lignes d'actions.

Le problème, là aussi, c'est que l'on ne voit et comprend d'Internet que ce qui va dans le Sens qu'on lui donne à priori. De ce fait ce qui est dit là est inaudible à qui n'en perçoit pas le Sens alors qu'il voit exactement le contraire de ce qui est affirmé ici. Il faut dire que de cette façon l'intimité des usages et de l'extraordinaire diversité des expériences est masqué au profit d'utilités supposées rationelles.

3) Le fondamental. Le Sens d'Internet, c'est la libre possibilité d'établir des relations de proximité, à distance.

Le jeu symbolique de proximité - distance est une clé majeure des relations humaines.

Le jeu des distances dans l'espace, par écrans interposés, etc. et des proximités permises par une multiplicité de modalités relationnelles (synchrones, asynchrones, etc.) est un facteur essentiel de développement d'Internet. Tout service qui facilite en tout lieu d'espace les jeux relationnels est cohérent avec le phénomène Internet. Il n'est donc pas incohérent de réunir téléphonie et Internet et la libre mobilité est un facteur tout à fait cohérent avec le libre développement des relations.

Par exemple le téléphone portable a accru grandement les proximités relationnelles à distance, c'est-à-dire un phénomène porté par la même vague, même s'il reste réduit sur un certain plan on le verra.

Sera service approprié ce qui s'inscrira dans une relation humaine et la favorisera (dans tous les domaines). Tout ce qui en fait abstraction et se réduit aux objets sans la relation est voué à l'échec (économique) dans ce contexte là.

4) Internet est un phénomène fondé sur un paradigme communautaire et non pas individualiste.

De ce fait si on conçoit l'internaute individu isolé même en relation avec un autre internaute isolé, on passe à côté du Sens du phénomène Internet. En effet, le jeu des relations de proximité à distance est ce qui tisse la trame et l'étoffe de communautés (de vie ou de travail) et y inscrit la réalité existentielle de la personne. La communauté n'est pas le réseau des liaisons interindividuelles, autre paradigme inadéquat (cf aussi Michel Serres "hominescence"). Elle est aussi une scène, un monde virtuel partagé où se réalise l'existence individuelle. (Chaque personne participe à de multiples communautés où se réalisent ses individualités dans les espaces virtuels, mondes multiples qu'il fréquente).

C'est là un paradigme essentiel du Sens de la mutation et du phénomène Internet qui lui donne une possibilité de réalisation sans précédent et dans tous les domaines de la vie personnelle, politique, institutionnelle, économique, professionnelle, etc...

De ce fait est service approprié sur Internet ce qui favorise cela:
- Faciliter l'apprentissage et l'établissement de relations sur Internet.
- Faciliter la constitution, l'animation et le développement des communautés virtuelles de tous ordres (et aussi les communautés de communautés).
- Faciliter la construction et le développement des mondes virtuels dédiés à chaque communauté

Par exemple on voit bien que information, communication peuvent avoir leur place accessoirement mais dans le contexte spécifique d'une communauté et son monde virtuel propre (son économie) et selon les Sens et valeurs de cette communauté jamais pour eux-mêmes mais toujours dans un "service communautaire" où s'inscrivent les personnes.

On a là les principales clés discriminantes du Sens du phénomène Internet dans la mutation, donc du paradigme sur lequel tout service pertinent doit être fondé ou sinon être voué à l'échec.

Dès lors on voit bien que sur le fond les problématiques clés auxquelles répondent les services pertinents sont toutes liées ensemble:
- l'initiative
- la relation de proximité à distance
- les communautés "virtuelles"
- les mondes virtuels ainsi créés.

On voit aussi que la connaissance profonde de ces phénomènes est particulièrement précieuse. Cependant on se souviendra que les modèles conceptuels disponibles, notamment issus des sciences humaines ou sociales, sont pour une grand part invalides, qu'ils soient anciens ou dans le courant des modes.

C'est pourtant, on va le voir, le fond de compétence indispensable sur lequel peuvent se construire les services cohérents avec le développement du phénomène Internet.

SENS DE LA NOTION DE SERVICE

On en retiendra quatre dont on examinera la pertinence par rapport au phénomène Internet.

Dans un premier Sens, le service est la mise à disposition d'un bien.

C'est donc la distribution d'une part et le "bien" d'autre part qui spécifient le service. Il n'y a là nulle "relation" et donc nulle participation à une communauté virtuelle. Nulle proximité relationnelle mais que de la distance, nulle initiative du "client" face à ce service sinon celle de zapper.

C'est certainement une idée qui vient très souvent. Qu'est-ce que l'on pourrait distribuer par le canal d'Internet à un très grand nombre de clients consommateurs. C'est le premier mode d'emploi de l'échec. Non que cela ne puisse exister mais aucun modèle économique pérenne n'est envisageable par incompatibilité de Sens entre cette conception du service et le "marché" que constitue l'univers d'Internet.

Dans un second Sens, le service est la mise à disposition d'une ressource de haute valeur ajoutée.

On imagine assez bien l'accès à des banques d'information, des systèmes experts par exemple dans tous les domaines professionnels ou même de la vie privée. L'idée de société du savoir n'en est pas éloignée.

C'est un second scénario de l'échec, non pas parce que c'est impossible mais parce que ce n'est pas le Sens dominant du phénomène Internet. Le paradigme, concentration de l'offre, dispersion de la demande n'est pas non plus tout à fait compatible avec le paradigme Internet. Il l'est par contre pour des systèmes de distribution qui utilisent des techniques voisines. On ne peut donc développer ce type de service sur Internet en dehors de l'histoire singulière de telle ou telle communauté virtuelle pour contribuer à construire son monde. Mais alors là est le service.

Dans un troisième Sens, le service est une relation de type ancillaire.

On aurait pu imaginer qu'Internet serve à des individus pour "commander" à d'autres quelques prestations.
On pourrait penser qu'il y a là un jeu relationnel à explorer. Cependant cette dimension "contrôle d'autrui" ne semble pas avoir trouvé beaucoup de réussite sur Internet signe qu'il y a une certaine incompatibilité. Cependant c'est là un risque qui peut se faire jour à la marge et dans certaines communautés virtuelles. Il faudrait veiller par exemple que certains "call center" ne dérivent pas dans ce Sens.

Dans le quatrième Sens, le service s'inscrit dans une relation où s'exerce une compétence professionnelle (métier) auprès d'une personne, inscrite dans un contexte donné, et qui vise à l'aider à y accroître sa maîtrise.

Le champ qui s'ouvre ici est celui de métiers définis par une compétence d'aide à une meilleure maîtrise (compétence, capacité, possibilités...) d'une situation spécifique.
Dès lors ce type de service apparaît comme tout à fait cohérent avec le phénomène Internet.

Ce qui le caractérise c'est:
- un espace d'exercice, virtuel, communautaire,
- une relation de service (proximité et distance à gérer)
- le service d'une meilleure maîtrise (initiative, relations, participation à la communauté virtuelle, entre communautés...)
- des métiers dédiés à de multiples problématiques (professionnelles, personnelles, sociales, économiques, politiques, etc.).

Du même coup on voit bien qu'un très grand nombre de "services" existants peuvent être réajustés au contexte du phénomène Internet mais souvent avec une transformation du métier.

Exemples :
- Un service "commercial" au métier repensé pour Internet (relation de service...).
- Des services publics au métier qui doit passer d'une logique de procédure formelle à une logique de processus relationnel
- Des services éducatifs qui peuvent se concevoir dans de nouveaux espaces de communautés virtuelles et de nouvelles proximités relationnelles de service.
- Des services de santé s'inscrivant dans une relation et un contexte communautaire (ex. communautés soignantes).
- Des services professionnels aux entreprises....
etc.

On voit alors que l'on rejoint un certain courant de société tout à fait significatif de la mutation et donc parfaitement cohérent avec le phénomène Internet.

Dès lors l'invention et la promotion de nouveaux services doit correspondre à l'utilisation des logiques et des moyens d'internet, dans les espaces virtuels et communautaires crées ou à créer et qui rejoint, en l'amplifiant massivement, le mouvement de société émergent avec la mutation.

Bien sur il faut abandonner les conceptions trop faciles d'un service qui fait trop abstraction des situations relationnelles et communautaires des personnes - clients et qui sont contraires à la logique du phénomène Internet.

Bien sur il faut déployer une créativité construite sur les problématiques de la maîtrise personnelle des situations communautaires et aussi bien donc des problématiques communautaires.

Bien sur il faut rentrer dans une plus grande proximité (avec les distances nécessaires) des problématiques humaines liées aux modes de vie et de travail des clients. Il faut aussi envisager la transformation et le développement de nouveaux métiers de services.

Tout cela contribue à développer une "société du service" tout à fait nouvelle (mutation). Le terme est d'ailleurs infiniment plus significatif qu'une société de l'information ou du savoir.

En référence aux éléments d'une théorie des usages que j'ai formulée, les services en question (dans ce quatrième Sens) peuvent être différenciés en trois catégories.
- Les services basés sur l'utilisation d'une fonction ou d'un outil de base d'Internet surtout dans une phase d'apprentissages et d'appropriation culturelle.
- Les services liés aux usages communautaires centrés sur la constitution l'animation, le développement de communautés (de toutes tailles) ou sur l'intégration et la participation des personnes à la vie et au développement de la communauté.
- Les services liés à des usages professionnels centrés sur des processus collectifs de production (matériels et immatériels).

Il faut savoir que tout un ensemble conceptuel et méthodologique (ingénierie du Sens et des cohérences humaines) est disponible pour cela, compréhension des problématiques, invention des services, stratégies de développement et d'appropriation des innovations (développés par l'auteur).

Eléments bibliographiques.
Le temps des communautes virtuelles
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/comvirt.htm
Le temps du virtuel aux portes de la cite interieure
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/eclcite.htm
Internet, la culture du virtuel
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/internet.htm
La logique de service
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/SERVICES.html
Panorama de la mutation
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/mut.html
La prospective operationnelle
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/prosope.html
Les usages d'Internet
http://www.coherences.com/TEXTES/DOCUMENT/usainet.html

 


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