SENS ET COHERENCES HUMAINES
©Roger NIFLE

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DONNER UN SENS A LA QUALITE

La qualité qualifiante





Bien faire son travail, rendre des services appréciables et être apprécié pour cela tel pourrait être le Sens le plus commun de la qualité . Si cela était si simple, ça se saurait, il n'y aurait pas eu tous le mouvement français et international de la Qualité.

J'ai été amené à m'intéresser aux problèmes de la qualité, il y a plus de dix ans, à l'époque où la grande vague allait emporter les entreprises françaises vers des succès de plus en plus excellents grâce aux découvertes stupéfiantes des américains et des japonais.

C'est d'abord en tant que phénomène social et donc phénomène humain que je me suis intéressé à la question. Avec la théorie des Cohérences Humaines, j'ai donc été amené à m'interroger sur les questions de Sens en général et, en particulier, le Sens de ce phénomène et des comportements et des pratiques qui s'y rattachaient. Une des pistes était celle-là. Au fond lorsque le souci de qualité dépasse le bien faire traditionnel, alors il n'y a pas loin une inquiétude de disqualification et en réaction un souci de qualification, authentique ou non.

Depuis, force procédures d'examen et force certificats ont renforcé l'exigence.

On en est maintenant à se demander s'il y a une vie après l'ISO 9000. Certains font l'hypothèse que la satisfaction du client serait le véritable horizon de la qualité, d'autres trouvant cela insuffisant en appelle à une qualité totale qui ne laisserait passer sans doute aucune défaillance. On assiste ainsi à la fois au triomphe d'une forme normative réservée à des spécialistes et à l'émergence d'un certain nombre d'interrogations sur le dépassement de cette étape. L'existence d'une association telle que Qualifier est bien l'indice que ce n'est pas si simple, qu'il y a bien d'autres enjeux que ceux d'une quelconque certification.

En fait, la qualité est un phénomène humain et en tant que tel, il peut lui être donné plusieurs Sens. A chaque Sens correspond une logique, une conception de la qualité et un type d'enjeux bien spécifique.

Ce sera mon propos tout d'abord d'indiquer quelques repères des différents Sens de la qualité.

Ensuite, je proposerai la perspective d'une certaine conception dans l'un de ces Sens: signifié par l'expression "Qualité qualifiante" et qui se traduit par une démarche spécifique.

Enfin, je terminerai par le problème de l'évaluation en matière de qualité et des critères qui pourraient être pris en compte par le contrôle de gestion.

J'en resterai dans mon exposé au stade des principes réservant pour nos échanges quelques explications ou illustrations.


LES SENS DE LA QUALITE

On peut les repérer par la combinaison de deux alternatives :

La première oppose deux conceptions. Dans un Sens la qualité, c'est l'absence de défaut. Zéro défaut, la chasse au défaut, tout le monde connaît. C'est une logique qui peut aller loin dans l'élimination de l'imparfait, du faillible. Or chacun sait que l'homme est faillible. C'est pour cela que cette logique est réductioniste, réduction de l'humain à l'opération, réduction au matériel, au quantitatif, au processus. Automatisons et la qualité devrait être sans faille!

Malheureusement, il n'y a là aucune référence aux valeurs humaines.

Il y a un autre Sens à donner à la qualité, c'est celle d'indicateur de valeur humaine , de qui l'offre et de qui la reçoit. La qualité devient alors un signe de valeur , relatif à ceux qui l'échangent selon leur caractère, leur culture, leur personnalité. Nous sommes en plein qualitatif, en pleine subjectivité humaine, ce dont on a horreur dans certains milieux. Il est facile d'illustrer cela dans le contexte ici présent.

Le fonctionnement parfait et sans défaut de "Socrate" n'est pas strictement identifiable à la valeur du service attendu, ni à la valeur des hommes et de l'entreprise SNCF. Les questions bien actuelles du service public sont aussi à considérer, s'agit-il du fonctionnement d'un système sans défaut ou s'agit-il de servir des publics selon les valeurs qu'ils y attachent? La perfection de l'absolu ou bien une valeur relative à ceux qui la fournissent et à ceux qui l'apprécient? Avec ou sans hommes?






Il y a une autre alternative de Sens :

- Ou bien la qualité n'est qu'une apparence de forme surajoutée au produit ou au service, quelques fioritures, un "plus communication" en quelques sortes.

- Ou bien la qualité est ce qui traduit authentiquement la nature propre , spécifique, originale, intrinsèque du produit ou service. Celle qui exprime l'art et la maîtrise authentique de ceux qui produisent et dans laquelle se retrouvent, se reconnaissent ceux qui l'apprécient.

Est-ce une affaire de look, habile, ou une affaire de position originale, d'engagement authentique, de responsabilité mais aussi de considération réciproque.

Ces deux dialectiques dessinent une carte de cohérences et mettent en évidence quatre Sens.






La qualité qualifiante



Ce ne sont que des évidences mais redoutables par rapport à nombre d'habitudes et de réflexes.

La qualité :
qualifie le produit,
qualifie le client ou l'usager qui l'apprécie,
qualifie celui qui produit ou rend service.

La qualité est qualifiante
parce qu'elle identifie la valeur propre,
parce qu'elle donne de la valeur,
parce qu'elle potentialise de la valeur.

C'est vrai pour le client
pour son identification, il se sent considéré, reconnu, valorisé,
pour son bien propre, il reçoit un service significatif,
pour son évolution, il apprend la valeur du service et s'éduque.

C'est vrai pour le producteur
pour son identification, il se sent considéré, reconnu, valorisé,
pour son bien propre, il reçoit les fruits significatifs de son
travail,
pour son évolution, il apprend à mieux maîtriser la valeur du
service rendu.

La qualité du produit médiatise cette relation de qualification réciproque. Elle en réalise et révèle le Sens .

On pourrait pointer rapidement ce qui est disqualifiant :

La non reconnaissance de la personnalité propre des uns ou des autres pour une "qualité" anonyme.

L'inéquation du service dont la mesure ferait abstraction du "bien propre" des personnes par une qualité mesurée de façon arbitraire, abstraite ou hors sujet.

La désimplication des uns ou des autres par rapport à la valeur humaine de la qualité dont ils se sentent exclus ou disqualifiés.

Alors comment développer la qualité qualifiante ?

1) D'abord prendre en considération les hommes et les valeurs humaines , personnelles et culturelles comme critères de qualité.

Pour cela, il faut discerner, élucider, analyser, identifier les valeurs propres spécifiques qui donnent Sens à la qualité, la rendent significative et donc qualifiante: Qualité propre d'une entreprise, d'un service, d'une équipe, d'un métier, d'un Sens mais aussi requis par des clients particuliers.

C'est tout un art du qualitatif qu'il faut développer. Il existe des moyens techniques et méthodes pour cela ( analyse de cohérences, analyse figurative etc. ).

2) Ensuite, il faut se doter d'une organisation cohérente avec le système de valeur précédent. La manière de faire, d'orchestrer l'activité est elle même significative. C'est une question de management de l'entreprise ( Management de la qualité ou par la qualité), comme dans ses relations clients, marchés. C'est tout l'art d'une stratégie macro-pédagogique qui offre un cadre et un encadrement qualifiant pour mettre en oeuvre une politique qualité.

3) Enfin, il faut réhabiliter la notion de métier , trop souvent réduit à son aspect technique alors que le terme renvoie à l'idée de service. Le métier, c'est l'art et la manière de maîtriser le service.

Au-delà de ces principes, c'est toute une révolution culturelle qui est à refaire dans un contexte dominé par les principes industriels où régnaient quantitatif, mécanismes, rationalités réductrices et où la considération de l'humain, ses valeurs et qualités étaient laissées dans l'ombre ou marginalisées. Il ne faut pas s'étonner qu'on ne dispose plus des moyens intellectuels et pratiques de maîtriser ces dimensions et que l'on tende toujours à les réduire au connu.


Pour terminer, je voudrais parler de l'évaluation de la qualité et du rôle possible du contrôle de gestion en la matière.

Qui dit évaluation dit échelle de valeur, vous voyez la connection avec la qualité, mais aussi la déconnection d'avec tous les systèmes qui ignorent les valeurs humaines, personnelles et culturelles.


a) Alors pour évaluer la qualité, il faut en premier déterminer quel Sens particulier elle a dans la culture de l'entreprise ou dans la culture de ses clients. C'est alors une question de pertinence de Sens . Si la qualité n'est pas significative, alors elle n'a pas de valeur.

b) Pour évaluer la qualité, il y a encore à apprécier la cohérence de Sens. Il ne suffit pas qu'une partie des choses aillent dans le bon Sens, si le reste s'en écarte. C'est vrai pour la qualité d'un produit ou celle d'un projet, d'une entreprise, de son management, etc.

c) Pour évaluer la qualité, il y a enfin un troisième critère, celui de performance . C'est la mesure, qui peut alors être quantifiée, d'un degré de valeur. C'est là qu'intervient le quantitatif lorsqu'il est une mesure significative.


A quoi sert-il qu'une automobile ait un moteur performant s'il lui manque une roue ? ou qu'un voyageur dispose d'un excellent confort s'il rate sa correspondance? C'est incohérent! Mais tout cela ne vaut que pour un automobiliste ou un voyageur qui a un projet, une intention qui ait un Sens, sans quoi cela n'a aucune pertinence.

Que vient faire le contrôle de gestion dans tout ça.

Si le contrôle de gestion s'entend comme certains le voudraient, en tant que moyen de pilotage de l'entreprise, alors il ne peut se passer d'évaluer la qualité.

En effet, celle-ci est liée au Sens de l'entreprise sans lequel il n'y a rien à piloter. Il détermine le critère de pertinence de l'évaluation de la qualité à tous les niveaux.

Ensuite, il faut s'assurer que tout va dans le même Sens. C'est le critère de cohérence dont l'ignorance permet si facilement de faire un pas en avant et un pas en arrière sans y prendre garde.

Enfin, il faut prendre la mesure du degré de performance, forcément sur une échelle de valeur préétablie.

Je vous propose simplement de retenir ceci. C'est que les critères de pertinence, de cohérence et de performance sont indispensables pour évaluer la qualité et plus généralement la marche de l'entreprise. Si le contrôle de gestion s'en reconnaît la mission alors il peut contribuer grâce à une démarche appropriée à une meilleure qualification de l'entreprise.


CONCLUSION

Tous les moyens que j'ai évoqués, techniques, outils, méthodologies sont développées par l'Institut Cohérences dans le cadre de l'Ecole du Sens. Je voudrais conclure sur le fait qu'aujourd'hui on ne doit plus se contenter de l'idée de qualité. Il faut lui donner un Sens et pas n'importe lequel sinon la qualité peut être aussi un moyen de disqualification, j'en connais mille exemples.

C'est à ce type de préoccupation que l'Institut Cohérences est voué pour proposer des conceptions et des méthodes qui intègrent cette question si cruciale du Sens, dans les affaires humaines en général et la qualité en particulier.


Roger NIFLE JUIN 1995

 


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