SENS ET COHERENCES HUMAINES
©Roger NIFLE

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ENTREPRISES ET MOTIVATIONS HUMAINES



En cette fin de 20ème siècle la conscience que le monde en est à un carrefour est de plus en plus présente. Les espérances qui ont suivi la dernière guerre se sont malheureusement transformées en blocages et en impasses. Les conflits Est-Ouest, Nord-Sud ont atteint leur paroxysme au moment même où une crise mondiale ébranlait toutes les certitudes et les positions acquises. Cependant, après une première réaction de crispation frileuse éclosent aujourd'hui les signes d'une ouverture qui se répercute à tous les niveaux de la vie politique, sociale ou économique.

Cette ouverture se traduit par un recentrage sur l'homme, une plus grande sensibilité aux droits de l'homme conscience accrue de la responsabilité de la personne humaine.

Une des figures de cette dernière est à lire dans l'émergence d'une nouvelle conscience de l'importance de l'Entreprise comme mode d'engagement majeur de l'homme moderne.

Se faisant, c'est l'entreprise elle-même qui est interrogée dans ses finalités et l'on voit se développer dans ce contexte le souci des valeurs , celui de l'éthique dont on cherche les racines dans la culture d'entreprise et que doit exprimer son projet. Le projet d'entreprise perçu comme acte d'engagement collectif est significatif lui aussi du fait que l'entreprise est véritablement perçue comme entreprise humaine, comme engagement de motivations spécifiquement humaines.

C'est alors que devient indispensable de mieux comprendre sur quelles motivations et de quelles manières les entreprises s'entreprennent.

Il faut, pour cela expérimenter et aussi interroger toutes les expériences qui permettent d'expliquer et de comprendre, humainement parlant, ce qui fonde l'entreprise et préside à son développement. Il est aussi de plus en plus nécessaire d'élaborer une anthropologie nouvelle qui intègre l'acte d'entreprendre dans toutes ses modalités jusque, et y compris dans la façon dont se construisent et se gouvernent les entreprises humaines. c'est à cette tâche que s'est attelée le théorie des Cohérences dont on verra ici les éclairages qu'elle apporte sur la question des motivations des entrepreneurs et leurs conséquences pour l'entreprise.

Il faudra pour cela clarifier la notion de motivation pour sortir des stéréotypes ou des confusions trop courantes. Il faudra aussi comprendre comment les motivations sont à l'origine de toute entreprise, en éclairant et déterminent l'histoire et en orientent le gouvernement. Enfin, une typologie des principales motivations permettra d'illustrer, par une série de portraits constatés, les différents types de dirigeants et les conséquences pour leur entreprise.

I - QU'EST-CE QU'UNE MOTIVATION

La notion de motivation est à la fois très commune et délicate à saisir. S'il est clair pour chacun qu'un homme non motivé n'est pas très concerné par ce qu'il fait, cela ne suffit pas pour définir ce qu'est une motivation.

Nous en donnerons d'abord une première définition.

La motivation est un désir du sujet focalisé sur un objet et engagé dans un projet.


Elle s'accompagne de sentiments, d'idées ou représentations et d'actions. La nature intrinsèque de la motivation est de l'ordre du désir de la personne mais elle se manifeste sous différents aspects extérieurs avec lesquels il ne faut pas la confondre.

La motivation est en quelque sorte un mouvement intérieur, subjectif et orienté qui est focalisée sur un centre d'intérêt dans lequel la personne se retrouve et qui est engagé dans une démarche où le désir s'accomplit en même temps qu'il peut éventuellement se renouveler.

Il ne faut donc pas confondre la motivation comme phénomène intérieur à la personne et ses caractéristiques extérieures qui la provoquent ou dans lesquelles elle s'engage.

Avec la motivation nous sommes dans le règne du subjectif, du qualitatif, du désir et du sens profond de l'âme humaine.

Nous pouvons alors remarquer que les questions de motivation, fussent-elles dans l'entreprise, réclament une connaissance de l'homme à laquelle les sciences de la gestion ou de l'action n'ont guère préparé. Il ne faut pas pour autant ne s'en remettre qu'au flair ou aux recettes, d'autant plus simples qu'elles ne tiennent compte que des aspects superficiels ou artificiels de la question.

Il faut bien percevoir que la motivation est de l'ordre :

- d'un désir particulier, profondément personnel
- d'une signification personnelle de l'engagement,
- de l'activation d'un dynamisme vital mobilisé,
- d'une disposition intérieure (position d'être),
- de l'expression d'une échelle de valeur propre,
- de la traduction d'une vocation personnelle spécifique,
- du sens donné à la volonté et à l'action.

La motivation est ce qui donne au sujet son intention, sa volonté et sa détermination.

Elle n'est pas de l'ordre du raisonnement bien qu'elle puisse être quelquefois suscitée ou justifiée par la raison.

Elle organise et intègre l'affectif, le mental et le comportement de la personne motivée.

C'est en définitive le vecteur subjectif et qualitatif de l'engagement de la personne, suscité ou focalisé par un objet d'intérêt ou de préoccupation.

On n'accède aux motivations humaines que par l'intuition et aucune définition ne peut les enfermer.

Par ailleurs, il faut remarquer que la motivation est un terme générique et que l'on doit s'attacher à discerner et différencier "les motivations". Les motivations humaines sont très nombreuses et sont autant de vecteurs différents des engagements personnels ou collectifs, autant de raisons et de façons d'entreprendre.

On peut d'ores et déjà distinguer trois couples de motivations dialectiquement opposées.

Les motivations positives et négatives

Les premières sont orientées par l'espérance d'un progrès, d'une amélioration qui dépasse les conditions du présent et par lesquelles la personne croit en qualités et en valeur.

Les secondes sont justifiées par la nécessité, la fatalité, une menace ou un besoin primaire incontournable. Jouant sur la peur ou l'envie, elles suscitent des réactions fortes de fuite, de retrait ou d'avidité.

Autant les premières s'assortissent d'une mobilisation progressive, suscitent l'enthousiasme, autant les secondes suscitent des réactivités qui tendent à l'immobilité défensive et gênèrent stress et amertume.

Les premières se fondent dans les valeurs humaines, les secondes jouent sur les faiblesses humaines et sont de ce fait plus faciles à provoquer.

Les motivations actives et passives

Les motivations actives sont orientées par l'expression personnelle du sujet. L'homme y cherche et y trouve sa vérité, son originalité, sa créativité, son autonomie.

Au contraire, les motivations passives sont provoquées par un souci d'identification, de conformité fusse d'un modèle marginal.

Dans les secondes, la place, le statut, le titre, la normalité et le conformisme sont majeurs, alors que pour les premières ils sont mineurs. A l'inverse, les motivations du premier type rendent l'homme majeur et les secondes le rendent mineur.

Les premières se fondent sur un personnalisme et la responsabilité propre et unique de tout homme alors que les secondent sont normatives et jouent de la sécurité identificatoire et conformiste.

Les premières sont actives parce qu'elles suscitent des actes d'auteur (et d'autorité). Les autres sont passives parce qu'elles sous-tendent une subordination à des modèles extérieurs.

Les motivations participatives et individualistes

Les motivations participatives trouvent leur justification dans un concernement et envisagent leur engagement dans le champ collectif.

Les motivations individualistes au contraire se veulent résulter d'un choix individuel arbitraire et viser l'intérêt particulier "égocentré" de la personne.

Les premières cherchent à se conjuguer et à se partager avec d'autres tandis que les secondes sont spéculatrices et calculatrices de l'intérêt individuel et plus "détachées" ou "distanciées" du contexte collectif.

Les motivations participatives se satisfont d'une contribution et de ses fruits alors que les motivations individualistes ne se soucient que du rapport et du gain obtenu ou attendu.

Nous retrouvons là les grandes dialectiques des enjeux et des tendances de l'homme auxquelles il faut apporter la multitude des nuances et des conditions qui font l'infinie diversité et subtilité de l'âme humain? Il y aurait aussi à songer à toutes les ambivalences, les ambiguïtés, les hésitations et les conversions que tous ces vecteurs laissent supposer et que confirme l'expérience. Il y faudrait rajouter en outre des facteurs d'intensité, des facteurs culturels, des processus de résonance et d'influence que la pratique doit prendre en compte pour tenter de maîtriser les questions de motivation des hommes.

II - LA MOTIVATION AXE DE COHERENCE DE L'ENTREPRISE

La motivation personnelle traduit le sens selon lequel la personne peut s'engager. La motivation collective dans une entreprise est le vecteur à partir duquel toute son activité est engagée.

Mais la motivation collective n'est rien d'autre qu'un "bouquet de motivations personnelles" autour d'un axe initial représenté par la motivation de l'entrepreneur.

Celle-ci est donc le vecteur autour duquel se forme le consensus d'entreprise et se rassemblent et convergent les motivations de tous les partenaires.

Il est clair que si les motivations divergent, soit par l'ambivalence de celles des dirigeants, soit par l'absence d'un consensus collectif, alors on assiste à une dispersion des énergies, à la création de clans, de chapelles et au bout du compte une déstructuration ou un éclatement de l'entreprise.

Trop souvent une grande partie de l'énergie et des ressources humaines et matérielles sont consommées par des antagonismes, des efforts divergents ou non coordonnés. On peut même aller jusqu'à ce que des pans entiers d'une entreprise atteignent des résultats préjudiciables à l'ensemble. Lutte intestines, chacun pour soi, identité floue, qualité hétérogène, etc...

La cohérence de l'entreprise repose sur l'harmonie des motivations et celle-ci sur la "direction" indiquée par les "dirigeants".

La motivation collective, par sa nature et son intensité est un pilier majeur qui fonde l'unité, la permanence et la persévérance de l'activité.

On peut aussi l'assimiler à l'intention collective, la vocation fondamentale, l'échelle de valeur, la finalité et au bout du compte l'orientation politique de l'entreprise. C'est dire l'importance du discernement de sa nature et celle de l'établissement d'un "consensus" des motivations.

En outre, il est important de bien comprendre comment l'entreprise trouve son unité logique à partir de la motivation collective. Celle-ci d'abord va se rapporter à un centre d'intérêt, un objet de préoccupation en réponse aux attentes d'un milieu social ou d'un marché.

Sans motivation, la personne comme l'entreprise n'ont d'intérêt pour rien, ne sont concernés par rien et n'arrivent pas à trouver leur véritable métier.

C'est donc la rencontre entre ces motivations entrepreneuriales et les attentes du terrain qui vont déterminer l'objet, le métier de l'entreprise et le type de service à rendre.

Le développement de l'entreprise va résulter de cette conjonction, définissant le projet commun et orchestrant la "concourance" des projets personnels.

La convergence des motivations rapportée à une même unité de préoccupation suscite la mobilisation du dynamisme collectif.

Une motivation sans objet, une attente du milieu sans motivation et rien ne se passe.

C'est donc en donnant à la motivation de chacun à se nourrir d'objectifs communs dans l'axe de la direction générale que l'on va mobiliser les énergies et trouver la cohésion et la mobilisation des potentialités de l'entreprise.
Par ailleurs, la coopération entre tous s'effectuera sur le terrain commun où se situe l'intérêt de l'entreprise au service d'un projet collectif auquel chacun contribue. C'est donc l'unité de motivation qui est indirectement à la racine de la coopération et d'une organisation efficace du travail.

Enfin, c'est encore la motivation qui s'exprimant dans la perspective du projet de l'entreprise va sous-tendre son image et l'identifier aux yeux de ses partenaires (internes et externes).

On peut schématiser tout cela dans une "structure cohérencielle" de l'entreprise.


La motivation est en quelque sorte l'axe directeur de l'entreprise. C'est à la fois vrai pour l'entreprise globale, collective mais aussi pour celle de chaque personne qui y concoure.

Lorsqu'on a ainsi une unité de motivation, on peut dire que l'entreprise est une véritable "société de concourance", c'est-à-dire une société d'entreprises personnelles qui concourent à l'oeuvre commune.

Au commencement de l'entreprise, il y a donc la motivation de l'entrepreneur qui va non seulement rassembler autour d'elle la participation de tous les partenaires mais qui va donner l'unité et le style de l'entreprise.

On peut donc établir une typologie des entreprises à partir de la typologie des motivations de leur dirigeant.

Ces dernières comme toutes les motivations humaines ne sont pas toujours conscientes ou avouées. Cependant la vie et le développement de l'entreprise en sont toujours une conséquence révélatrice si l'on veut bien apprendre à les lire avec discernement.

III - PORTRAITS DE DIRIGEANTS ET DE LEURS ENTREPRISES

La combinaison des trois catégories de motivations permet de définir huit profils types de chefs d'entreprise. Chacun de ses profils est caractéristique d'un type de motivation personnelle et d'une logique d'entreprise dont on pourra dégager quelques comportements significatifs.


LE MAITRE (ou l'initiateur)
Il est motivé par l'accomplissement de soi et des autres. Il cultive chez lui et chez les autres la capacité a être vraiment responsable, c'est-à-dire à être capable de tenir et assumer le sens de ses engagements. Son entreprise est alors une oeuvre au travers de laquelle il exprime sa vocation personnelle au service de la collectivité en favorisant les liens de concourance.

Dans l'entreprise, il assume une autorité qui est à la fois repérante et interpellante pour ses collaborateurs et dans son milieu. Il s'agit d'une autorité d'auteur, engagée dans la réalité mais orienté vers une ambition de progrès humain c'est-à-dire éthique et qualitatif.

Le recrutement des hommes se fait plus par des rencontres et des alliances contractuelles qui permettent de dégager les convergences et d'engager les concourances.

C'est comme cela que toute l'entreprise devient un engagement partagé autour de son autorité.

Ce type d'autorité n'exclue pas les autres et l'entreprise est une conjonction d'autorités originales, plus ou moins assumées selon la maturité des gens mais chacune apportant, à la mesure de sa responsabilité, le bénéfice de sa compétence et de ses qualités personnelles. C'est comme cela que chacun, cultivant sa vocation personnelle concoure à l'entreprise commune initialisée par son dirigeant qui en reste le garant et incarne sa raison d'être.

Le Maître est le serviteur de ses partenaires et c'est comme cela que ceux-ci le servent et servent l'entreprise.

Celle-ci aura tendance à s'inscrire dans un réseau de concourance tant sur le plan interne qu'externe et trouvera ainsi son intégration dans la société.

Quelque soit son activité cette entreprise est une entreprise de service. C'est l'esprit même de l'entrepreneur et la valeur de son service est toujours en terme de progrès humain même s'il ne s'agit que d'en favoriser les conditions matérielles. Le profit matériel y trouve toute sa justification et sa signification particulière qui n'est pas d'accaparement mais de fructification.


LE CHEF (ou le héros)
Sa motivation est se réaliser un idéal de soi identifié avec l'atteinte d'un objectif idéal qui lui permettra d'être reconnu et distingué.

Son entreprise n'est rien d'autre que le moyen de réaliser un exploit dont le bénéfice est toujours en termes de notoriété, de position sociale. C'est un faire valoir personnel.

Ce type de dirigeant est très mobilisateur. Il dynamise ses collaborateurs (et ses admirateurs) en leur montrant l'idéal, la cause à atteindre. C'est par le jeu d'identifications qu'il s'entoure d'une équipe et il veille à l'image et l'identité de tous. Cependant c'est toujours lié à l'idée qu'il se fait de lui-même. Il ne reconnaît les contributions des gens que dans cette mesure même. Il serait préjudiciable à ses collaborateurs de croire aux objectifs de l'entreprise comme fins en soi. La fin c'est toujours la réussite de l'idéal du chef.

Ce type d'entreprise est en général très soucieux de son image et de sa notoriété comme démonstration de la réussite ou de la valeur de son dirigeant. Il n'empêche personne de l'imiter à condition de ne pas l'égaler sur son propre terrain. Il n'est guère concerné par ce qui se passe autour de lui sinon comme occasion d'aller plus loin dans sa motivation propre.


LE PRATIQUANT (ou l'expérimentateur)
Sa motivation c'est de devenir plus compétent, de progresser grâce aux expériences qu'il peut faire.

Pour cela il empruntera des voies préétablies ou cherchera un modèle, un parrain dont il pourra suivre les méthodes.

Son entreprise est une expérience, presque un terrain d'apprentissage. Friand d'expériences nouvelles c'est le client privilégié de conseils, d'idées nouvelles qu'il va essayer pour en tirer le meilleur
enseignement. Les collaborateurs qu'il recherche sont des gens ouverts, des partenaires avec lesquels il combine ses tentatives.

L'entreprise terrain d'expérimentations et d'apprentissages pour lui, est tout à fait propice à l'innovation, innovation technique, sociale, managériale qui fait bouger les choses y compris dans l'environnement.

Cependant la mobilité de ce chef d'entreprise peut l'entraîner d'expériences en expériences et d'entreprises en entreprises jusqu'à ce qu'il se stabilise peut-être un jour.


LE MILITANT (ou le spécialiste)
Sa motivation, c'est d'atteindre un grade supérieur dans la hiérarchie sociale et d'y gagner une identité et un statut satisfaisant.

Pour cela, il est très soucieux des normes et son entreprise sera celle d'un spécialiste discipliné et quelque peu conformiste. Son souci est d'atteindre une performance suffisante par des moyens normaux. Ce chef d'entreprise se consacre à sa tache et attend la même chose de ses collaborateurs. Ceux-ci sont choisis plus en fonction de leur spécialité et de leur niveau que de leur personnalité. Il dirige sans états d'âme et cette direction est plutôt normative, technocratique, fixant des objectifs et contribuant à leur réalisation. On a là un type d'entreprise laborieuse qui peut exceller en situation conjoncturelle stable ou protégée par une spécialité momentanément appréciée.

L'entreprise comme l'entrepreneur mènent une vie rangée à l'abri d'un système socio-économique qui au fond les soutient. Le chef d'entreprise n'est au bout du compte guère concerné par ce qu'il fait mais surtout par ce que cela lui permet d'obtenir: une identité normale. C'est là toute son ambition et sa vertu.


LA VICTIME (ou le malchanceux)
Sa motivation c'est de s'en sortir rien ne lui convient dans la vie et son entreprise est une tentative pour sortir de la situation, pour devenir quelqu'un d'autre. Cela l'entraîne a un pessimisme généralisé et à une attitude de rejet vis-à-vis des autres. Il n'assume pas ses initiatives et en rend les autres responsables. Il choisira ses collaborateurs parmi des personnes qui ont une sorte de prix à payer et se sentent contraints d'assumer les problèmes au delà de ce qu'ils devraient.

L'entreprise est un calvaire pour tout le monde. Chacun se rejette la responsabilité et espère en sortir, y échapper.

Plus l'entreprise avance, plus les difficultés sont grandes, plus les risques croissent et plus les gens sont piégés.

Ce chef d'entreprise s'essouffle à tenir son entreprise et le personnel vit dans un climat d'amertume qui peut devenir vindicatif. C'est la persistance d'un certain échec personnel qui maintient l'entreprise toujours entre deux eaux dans un cercle vicieux à la limite de l'effondrement et l'ensemble de son personnel dans une dépendance aliénante dont le chef d'entreprise est le premier exemple.


LE DOMINATEUR (ou l'autocrate)
Sa motivation est un désir de puissance fondé sans doute dans quelque sentiment d'impuissance. Il n'a de cesse de démontrer sa puissance, sa force, par tous les signes d'emprise et de possession qu'il veut faire résulter de l'exercice de son arbitraire.

Son entreprise est une arme et un piège pour capturer le bien d'autrui en capturant autrui s'il le faut par les moyens de la dépendance, menace-séduction.

Ce type d'entreprise, structuré comme une toile d'araignée ou dans un style commando est toujours en guerre. Les affaires, c'est la guerre, à la fois comme démonstration de force et comme contrainte d'une logique conflictuelle, en butte à la rivalité sans cesse provoquée et subie des possessions de territoires.

Le pouvoir est à la fois la fin et le moyen et le profit n'est que le signe du pouvoir. La confusion des fins et des moyens prête à toutes les manipulations et c'est comme cela même qu'est conçu le pouvoir dans l'entreprise. Les collaborateurs sont sans cesse pris dans la dialectique conflit/allegeance qui se reproduit à tous les niveaux. Elle est même présente dans les rapports clients-fournisseur-s avec tous les partenaires.

On n'est pas loin de l'entreprise de prédation dont la jungle est le climat préféré et qui peint sans cesse de ces couleurs l'environnement socio-économique.


LE MATERNANT (ou paternaliste)
Sa motivation est la protection des autres dans un dévouement qui vise à en être aimé en retour.

Ce type de chef d'entreprise se veut sécurisant, protecteur, nourricier. Son entreprise est la reconstitution d'un schéma familial, maternel, d'un milieu privilégié où peut se vivre un jeu de relations affectives fusionnelles. La prise en charge des problèmes est la façon dont le dirigeant conçoit son rôle et il demande à ses collaborateurs de faire la même chose. Il est là pour compenser leurs défaillances. Le recrutement des collaborateurs est une question d'affectivité, on entre dans la famille.

Ce type d'entreprise n'a guère d'autre ambition que la satisfaction de ses membres et de ses proches sans autre projet à long terme que de pérenniser la situation.

Confort et agrément pour tous ; tel est le but mais aussi le profit de l'entrepreneur. Les biens matériels valent alors comme patrimoines de sécurité. Ces entreprises quelque peu régressives doivent en quelque sorte trouver la "niche économique" qui leur permettra de subsister. C'est la responsabilité du chef d'entreprise.


L'ENFANT (ou le profiteur)
Sa motivation est de profiter de l'environnement en s'y intégrant. Son entreprise doit être un "jeu d'enfant". Il s'agit de s'installer sur un créneau, dans une rente de situation et d'en profiter sans complexe.

Ce type de chef d'entreprise ne manque pas de générosité pour qui joue avec lui. Son entreprise est une sorte de théâtre où chacun joue un rôle et y trouve plaisir et profit. Il est évident que ce type d'entreprise ne peut exister que grâce à une conjoncture exceptionnelle (comme par exemple les trente glorieuses) ou sous couvert d'un patrimoine hérité ou d'un privilège particulier. Dans ce type d'entreprise on pratique volontiers les jeux et techniques à la mode pour être dans le coup. C'est l'agrément de la vie d'entreprise: faire des expériences et prendre des risques en toute sécurité. Il faut bien sur être pour cela très adaptatif et n'avoir d'autre ambition que de tirer le maximum de profit, c'est-à-dire de plaisir et de moyens de satisfactions.

CONCLUSION

Chaque type de motivation dessine une psychologie et un système de valeur sur lesquels toute la logique d'entreprise repose grâce au consensus qu'elle rassemble. Il ne s'agit donc pas de poser simplement les problèmes en termes d'absence ou de présence de motivation mais de nature de la motivation.

Un collaborateur de type "militant-spécialiste" s'ennuiera dans l'entreprise d'un "maternant". Un collaborateur de type "dominateur" ne comprendra rien à l'entreprise d'un "maître". Un chef d'entreprise "victime" s'effraiera et bloquera l'expérimentation d'idées neuves par un "pratiquant".

On voit se dessiner là l'importance d'une culture d'entreprise fondée sur les motivations qui y ont cours.

La théorie des Cohérences, développée par l'Institut Cohérences des Entre-prises Humaines et mise en oeuvre par le Groupe Cohérences (consultants), montre que la motivation est une clé majeure de l'entreprise à la source de sa cohérence et de son dynamisme.

A partir de ce constat se pose le problème de la connaissance et de la maîtrise des motivations comme l'une des composantes majeures du gouvernement des entreprises.

A partir de l'existant, il est possible de réaliser une "analyse de cohérence" qui permet de mettre en évidence l'éventail des motivations présentes dans une entreprise, cela permet au dirigeant de discerner, de choisir et confirmer le type de motivation original qu'il veut privilégier et dans lequel il se retrouve personnellement.

Valeurs, cultures, vocations, finalités, orientations, philosophies et raisons d'être en découlent, définissant l'axe politique du gouvernement des entre-prises, leur positionnement fondamental.

Ensuite il est possible à partir d'un tel positionnement d'ajuster des visées et des positions dans l'environnement économique qui en soient significatives pour enfin construire des projets et stratégies de développement cohérents avec les paramètres précédents.

La structure cohérencielle de l'entreprise et son gouvernement en montrent l'articulation.


Le choix et la détermination d'une motivation d'entreprise sont ensuite simultanément:

- à partager,
- à communiquer,
- à mettre en acte.

Une maîtrise particulière de l'animation est à mettre en oeuvre. Il ne suffit pas de faire participer ou de mobiliser encore faut-il le faire dans l'axe d'une motivation de direction. Des méthodes de "compréhension mutuelle" ont été élaborées pour réajuster, renforcer ou susciter une dynamique d'auto-mobilisation progressive (opérations d'animation stratégique).

Tout cela s'accompagne d'un travail d'expression et d'identification collective à partir des valeurs fondées sur la motivation de l'entreprise. Les représentations symboliques ou explicites doivent être conçues ou réajustées pour alimenter toute la communication interne et externe qui témoigne du vouloir de l'entreprise et le fait savoir. Les techniques d'homologie, de créativité générative permettent de concevoir des opérations de communication stratégique à cet effet.

Enfin la motivation est aussi l'unité d'esprit qui doit prendre corps dans la coopération. L'organisation du travail en est le moyen. La motivation de l'entreprise va devenir qualité et performance qui y trouvent leur racine. C'est la culture technique, celle des savoir-faire individuels et collectifs qui y est ancrée.

La motivation est la graine d'une espèce de savoir-faire particulier qu'il s'agit de cultiver par des méthodes "culturales" appropriées et qui implique par exemple un rapport particulier aux technologies modernes et à leur intégration.

Tels sont globalement les conséquences et les conditions d'une maîtrise des motivations dans l'entreprise.

Il faut enfin comprendre que cette maîtrise est celle de la cohérence des "concourances" internes de l'entreprise, mais aussi celle de la cohérence et des concourances de l'entreprise dans son milieu économique, social et culturel où les motivations d'entreprise rencontrent les motivations collectives. C'est le gage de la réussite de ses projets et de la fidélité de ses partenaires et clients, c'est le gage aussi d'une reconnaissance de l'entreprise et de sa participation au développement de la société humaine à laquelle elle concoure.



Roger NIFLE DECEMBRE 1991

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